Jamais deux sans trois ! Voici le dernier volet de notre série sur les doubles consonnes : sept nouveaux mots qui doublent leur « d », leur « g » ou encore leur « n ». Et pour vous aider à les mémoriser, on vous explique, étymologie à l’appui, la raison de ce doublement.
addition
Généralement, les mots commençant par ad- ne prennent qu’un « d » : adapter, aduler, adhésion, adoption… Mais alors, d’où viennent les deux « d » du nom addition ? Du verbe latin addere (ajouter), lui-même composé de la préposition latine ad et du verbe dare (donner). Bien sûr, tous les mots de la même famille qu’addition prennent deux « d » : additionner, additionnel, additif, etc.
agglomération
Le nom agglomération est formé sur le verbe agglomérer. Le premier « g », déjà présent dans le latin agglomerare, est apporté par la préposition ad devenue ag- devant le second « g » du nom glomus (pelote, boule). En français, deux autres verbes commencent par agg- : aggraver et agglutiner, réunion de la préposition latine ad, devenue ag- devant le « g » de gluten (colle).
appétit
L’appétit vient en mangeant et du latin appetitus (deux « p »), signifiant « désir ». C’est pourquoi il s’applique autant aux plaisirs de la chère qu’à ceux de la chair ! À ne pas confondre avec l’apéritif, issu du verbe latin aperire (un seul « p ») qui a donné « ouvrir » (les voies d’élimination).
bissextil
Les deux « s » de bissextil sont directement hérités de son étymologie latine : bis + sextus, soit « deux fois sixième ». L’année bissextile est celle où l’on rencontre le bissexte, jour ajouté tous les quatre ans au moins de février, lequel est alors de 29 jours.
C’est peut-être par confusion avec bisexuel (bi + sexuel) que certains font l’économie d’un « s ». L’année bissextile se distingue également de la ligne bissectrice, demi-droite partant du sommet d’un angle et le divisant en deux parties égales.
commodité
Commodité vient de l’adjectif commode (avec deux « m ») qui qualifie une chose qui se prête bien à l’usage qu’on veut en faire, autrement dit « pratique ». Au pluriel, les commodités désignaient jadis les cabinets – les « chaises de commodité » étaient des chaises percées – puis les équipements apportant confort et hygiène à un logement.
développement
Le nom développement est tiré du verbe développer, composé du préfixe dé- et de l’ancien français voloper (envelopper). Au sens strict, « dé-velopper » est le contraire de « en-velopper ». Par conséquent, le développement est avant tout l’action de dérouler ce qui est enveloppé sur soi-même. C’est ce qui se produit lorsqu’on développe une pellicule photo : on la déroule ! De même, lorsqu’on fait un développement, c’est-à-dire qu’on expose un sujet dans le détail, on « déroule » son raisonnement, ses arguments, de manière progressive et logique.
personnel
Une fois n’est pas coutume, les deux « n » de personnel n’étaient pas présents dans la racine latine persona, qui signifie « masque de théâtre ». C’est au XIIIe siècle que persone est devenu personne. Selon l’Académie française, le « n » a été doublé par analogie avec des formes comme « bonne » et pour maintenir le degré d’ouverture du « o ». Outre personnel, les deux « n » sont de mise dans tous les dérivés : personnalité, personnage, personnaliser, personnifier, personnellement…
À lire également :
http://www.projet-voltaire.fr/origines/doubles-consonnes-origine-sens-orthographe/
http://www.projet-voltaire.fr/origines/doubles-consonnes-origine-sens-orthographe-2/
Sandrine Campese
J’ai beaucoup aimé toute l’explication faite sur les consonne doublées.
Tant mieux si cet article vous a été utile ! 🙂 Bon week-end.
Il aurait été plus commode aux lecteurs de développer pour eux une réponse conforme à la mission que s’était donné l’auteure de l’article.
Sauf que le féminin de auteur c’est autrice, pas « auteure » qui est un épouvantable barbarisme.
Bonjour Phil, les dictionnaires indiquent les deux féminins « auteure » et « autrice » : https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/auteur/6555 Comme vous, je préfère autrice, mais le premier n’est pas fautif pour autant :-). Bon après-midi.
Malheureusement un peu déçu (;_;)
Pour bissextil, si le mot latin dont il est issu est bien composé de bis et de sextus, il s’écrit bisextilis…
Si bissextil (et bissectrice) prend 2 s ne serait-ce tout simplement pas parce qu’il suit la règle de base qui veut que 1 s entouré de 2 voyelles se prononce /z/, et qu’il faut le doubler pour garder la prononciation /s/.
La question serait plus, pourquoi bisexuel ne prend que 1 s ?
(les mots bissextil, bissectrice et bisexuel ont le même préfixe bi(s)- !)
Dire que commodité a 2 m parce qu’il vient de l’adjectif commode ne répond pas vraiment à la question…
Commode vient du latin commodus, formé à partir du suffixe con- et de modus. Comme pour appeler etc., la raison de la double consonne est un latinisme (transcription de la prononciation latine).
Idem, dire que développement a 2 pp parce qu’il vient de développer, ne répond pas vraiment à la question….
Surtout que vous indiquez qu’il est formé avec le préfixe dé- + voloper ! D’où vient donc le 2e p de développer ?
Bonjour JC, merci pour ces enrichissements. L’ancien verbe voloper est lui-même issu du latin faluppa (avec deux « p » !) qui veut dire « balle de blé ». Le double « p » présent dans « développer » ou « envelopper » est bien un vestige du latin. Bonne journée.
Il n’est pas inutile de rappeler en entrée que « le doublement graphique des consonnes constitue la première source d’erreurs non grammaticales à l’écrit, tant pour les enfants que pour les adultes » (voir références sur le site http://erofa.free.fr/).
C’est sans doute un des plus gros handicaps que doit trainer notre langue graphiquement car cette jungle mouvante est indémêlable, tant pour les enseignants que pour les experts. Les graphies multiples pullulent, les erreurs sont partout et les justifications rarement pertinentes : à chaque exemple un contre-exemple.
Un groupe de spécialistes de toutes disciplines, emmené par la célèbre linguiste Nina Catach, a rédigé un opuscule que vous trouverez sur le site précité et proposant la rationalisation de 7 500 mots dans lesquels ni l’étymologie ni la phonétique ne justifient le doublement. On peut toujours rêver qu’une vraie grande réforme s’en inspire !
Mais il est plus vraisemblable que l’on trainera encore longtemps ce boulet et que les 800 millions de francophones de 2050 devront encore se coltiner les caprices successifs de l’Académie…