Mât, côte, sûr… L’accent circonflexe n’a pas dit son dernier mot !

Que n’a-t-on pas entendu, ces derniers mois, sur la prétendue
disparition de l’accent circonflexe ! Remettons sans plus tarder les pendules à l’heure. Généralement, l’accent circonflexe est le vestige d’un « s » étymologique. Depuis les rectifications orthographiques de 1990, le « chapeau » est maintenu sur « a », « e » et « o ». C’est sur « i » et « u » qu’il est facultatif, sauf en cas de confusion. Pour vous en convaincre, voici une quinzaine de mots dans lesquels l’accent circonflexe persiste et signe !

Les mots en « â »

bât

En vieux français, bât s’écrivait bast car il est issu du latin bastum. On le retrouve dans l’expression « C’est là que le bât blesse », pour signaler la cause d’un problème ou d’un mal.

câlin

L’accent circonflexe sur le « a » de câlin a été ajouté au XIXe siècle pour respecter le « a long » de la prononciation normande. Il est d’usage sur tous les dérivés : câliner, câline, câlinerie

mât

Support vertical des voiles d’un navire, le mât serait issu du latin mastus par l’intermédiaire du francisque mast. Sans accent circonflexe, mat se rencontre dans l’expression « échec et mat », qui signifie « le roi est mort ».

tâche

En vieux français, tâche s’écrivait tasche. Il tire son origine du latin taxa, « prestation rurale », qui a également donné « taxe ». Sans accent, la tache, du latin tacca, est une salissure.

Les mots en « ô »

hôte

Il s’est d’abord écrit oste puis hoste, après l’ajout du « h » étymologique du latin hospes qui a donné « hospitalité ». L’hôte, qui désigne à la fois celui qui reçoit et celui qui est reçu, est un énantiosème.

côte

Le nom côte vient du latin costa (flanc, côté). Il se distingue de la cote, indiquant une notation. Attention, le coteau, pourtant dérivé de côte, s’écrit sans accent circonflexe.

diplôme

Dans la Grèce antique, le diploma désignait une tablette pliée en deux. L’accent circonflexe de diplôme est hérité de sa racine grecque.

chômage

Tiré du verbe chômer, chômage vient du latin caumare, « se reposer pendant la forte chaleur ». C’est au XIIIe siècle que le terme gagne le sens de « ne pas travailler », accent circonflexe en prime !

Les mots en « ê »

arête / arrête

Dans ces deux mots, l’accent circonflexe est la trace du « s » de l’ancien français areste (pour « arête ») et du latin arrestare (pour « arrête », du verbe arrêter).

pêche

Anciennement, pêche s’écrivait pesche, du latin piscis signifiant « poisson ». Sans accent circonflexe, pécher consiste à commettre une faute, un péché. On distingue donc le pêcheur du pécheur !

gêne

Le nom est issu de l’ancien français géhenne, « torture », terme dont se sert la Bible pour désigner l’enfer. On le distingue du gène, forgé sur le grec genos (naissance).

prêt

L’adjectif prêt (à), qui vient du latin praestus, s’est d’abord écrit prest. À ne pas confondre avec près (de), du latin presse.

 Les mots en « û »

sûr

Cet adjectif vient du latin securus qui signifie littéralement « sans souci ». Dès le XVIe siècle, on a coiffé le « u » d’un chapeau pour le distinguer de la préposition sur, issue du latin super (au-dessus).

mûr

Comme pour « sûr », il n’est pas question de supprimer l’accent circonflexe de l’adjectif mûr, du latin maturus : on le confondrait avec le nom mur, du latin murus.

jeûne

Le jeûne, privation de nourriture, conserve son accent circonflexe sur le « u » pour se distinguer du jeune, qui est peu avancé en âge.

Le mot en « î »

je croîs

L’accent circonflexe sur le « i » est indispensable sur certaines formes conjuguées du verbe croître (ou croitre) : « je croîs », « tu croîs », « il croît ». Cela permet de le distinguer du verbe croire qui donne « je crois », « tu crois », « il croit » !

Sandrine Campese

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    Bonjour Ly, c’est une très bonne question ! Il est vrai que l’on devrait dire « hôpitalier ». L’orthographe des mots, même au sein d’une même famille, n’évolue pas au même rythme. On remarque que le « s » étymologique se maintient assez fréquemment dans les dérivés des noms, que sont, par exemple, les adjectifs. C’est aussi le cas dans « forêt / forestier ». Bonne journée.

    Bonsoir Dominique, il s’agit d’un moyen mnémotechnique : cime n’a jamais pris d’accent circonflexe. Quant à « abîme », on peut désormais l’écrire « abime ». Bonne soirée.

          Concernant les î :
          d’une façon générale, il serait préférable, à mon sens, de ne supprimer les ^ qu’uniquement aux i des mots pour lesquels il n’y a pas de justification étymologique.
          Ainsi chacun serait satisfait dans ce débat…

          Bonjour Fred, votre réflexion est très intéressante ! Avez-vous des exemples où l’accent circonflexe sur le « i » n’a pas de justification étymologique ?

Bonsoir Sandrine,
Je crois qu’il y a encore beaucoup d’autres mots pour lesquels cet accent n’est pas mort !
Ex. pour le « i », j’ai toujours entendu dire que le « i » de la cime était tombé dans l’abîme.
Pour le « u », même problématique avec le verbe « devoir »…
Félicitations pour votre site.

    Bonsoir Gilles, bien sûr qu’il y en a d’autres : cette liste n’a pas la prétention d’être exhaustive ! Concernant la phrase mnémotechnique que vous citez, cime n’a jamais pris d’accent circonflexe. Quant à « abîme », on peut désormais l’écrire « abime ». Bonne soirée et merci de nous lire :-).