Alors que le Festival de Cannes bat son plein, un mot, un seul, est sur toutes les lèvres et dans tous les articles des magazines. Ne cherchez pas, ce n’est pas un mot qui a trait au cinéma, ce n’est ni « tapis rouge » ni « palme d’or », c’est… glamour ! À Cannes, tout est glamour : les stars, les couples, les robes, les coiffures, les maquillages, les soirées ; la ville elle-même a été sacrée « haut lieu du glamour ». Pourtant, ce qui est glamour n’est pas forcément superficiel. Cet anglicisme pourrait vous réserver bien des surprises…
Aux origines, la grammaire
Le b.a.-ba du glamour ? Le kilt ! Rassurez-vous, ce n’est pas une leçon de mode, mais d’étymologie. Le nom glamour vient en effet de l’écossais gramarye, « magie », altération de l’anglais grammar. Grammar, grammar… ce mot ne vous évoque rien ? La grammaire, bien sûr !
Aussi surprenant que cela puisse paraître, les deux mots « glamour » et « grammaire » ont la même étymologie. Ils viennent tous deux du grec grammatiké, l’art de lire et d’écrire. Plus précisément, grammar s’est formé sur le moyen français gramaire, qui n’avait alors qu’un « m ». À l’origine, donc « glamour » et « grammaire » étaient les deux facettes d’un même mot.
Mais comment est-on passé du savoir au paraître ? Revenons à notre jupe écossaise ! Nous avons vu que gramarye, signifiant « magie », dérivait de grammar, et donc de gramaire. Or un autre mot, apparu au XIIIe siècle, est issu de « grammaire » : c’est « grimoire » ! Et il s’écrit avec un seul « m » parce que jadis gramaire n’en prenait qu’un. C’est plutôt simple pour l’instant, non ?
Glamour, la beauté magique
Au Moyen Âge, la gramaire était l’étude du latin. Réservée aux savants et aux lettrés, elle n’était pas accessible au commun des mortels. Pour désigner un livre tout aussi obscur, celui des magiciens, le langage populaire a déformé gramaire en « grimoire ».
Mais, jusqu’à preuve du contraire, le tapis rouge n’est pas celui d’Aladin. Alors, quel rapport existe-t-il entre magie et glamour ? En fait, l’anglais grammar, qui a donné l’écossais gramarye, désignait aussi une science occulte, et même un sortilège permettant de changer d’apparence. Nous y voilà : tout ce qui est glamour a quelque chose de magique, ne serait-ce que parce que le mot est indéfinissable. La preuve, l’Office québécois de la langue française (OQLF) préconise des équivalents comme « resplendissant », « éblouissant », « éclatant », « prestigieux », « chic » ou « somptueux ». Mais aucun ne semble traduire exactement l’anglicisme « glamour », mélange de beauté et de sensualité, de charme et d’éclat. Le terme, plein de mystère, nous échappe encore et toujours…
La grammaire du glamour
Même lorsqu’on laisse la magie de côté, les trois mots « grammaire », « grimoire » et « glamour » restent intimement liés par le sens. En effet, la grammaire, ce n’est pas seulement la manière de parler et d’écrire correctement, présentée dans les manuels scolaires, c’est aussi l’ensemble des règles qui régissent une discipline. En art, on parle de la grammaire de la sculpture ou du dessin. De même, sur le tapis rouge, n’est pas glamour qui veut : il faut répondre à des critères définis par les gourous de la mode et la presse people. Et, bien entendu, ces codes ne sont pas accessibles au grand public (le « vulgaire » du Moyen Âge). C’est un milieu fermé, exclusif, redoutable même avec ses propres membres. Il y a quelques jours, des jeunes femmes se sont vu refuser l’accès au Festival car elles ne portaient pas de talons hauts. Des sandales plates, même hors de prix ? Pas assez glamour !
Enfin, le ministre de l’Économie Emmanuel Macron a récemment défini « la nouvelle grammaire de l’action publique en économie de marché ». La formule vous paraît opaque ? Elle n’est pas sans rappeler, chez les non-initiés, les écrits des grammairiens latins et les formules des sorciers… la magie en moins !
Sandrine Campese
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Je signale que b.a.-ba s’écrit comme je viens de le faire.
Bonsoir Jacques (oui, parce que c’est quand même plus sympathique de se saluer, n’est-ce pas ?), vous avez raison, j’ai omis un point. Merci de votre vigilance et bonne soirée.
L’usage pour ce mot semble particulièrement flottant !
Le Larousse reprend bien la graphie proposée par Jacques, mais on trouve de nombreuses autres versions acceptables selon les références. À titre d’exemple, voir l’analyse du CNRTL : http://www.cnrtl.fr/definition/B.A.%20BA
Personnellement, je trouve l’emploi du point abréviatif injustifié et donc négatif en termes de pédagogie et de typographie. La solution la plus logique est « b-a ba », déjà reconnu, le trait d’union ayant là toute sa valeur…
Merci Chambaron pour vos éclaircissements ! En effet, l’orthographe de « b.a.-ba » connaît, semble-t-il, plusieurs variantes : « b-a ba », « b-a-ba », « b.a. ba », « B.A. BA » et même « béaba ». Pour un mot si court désignant des connaissances élémentaires, on aurait souhaité un peu plus de clarté ! :-p
Si j’ai bien lu l’analyse du CNRTL, il est clairement dit : « Il serait sans doute plus rationnel d’écrire b.a.-ba, car il s’agit d’une espèce de redoublement où 2 mêmes séquences alphabétiques se suivent (mais avec une prononc. différente) pour ne former qu’un seul mot. ». Et je me range à cet avis.
Bonsoir Sandrine,
Désolé pour mon commentaire quelque peu laconique de tout à l’heure : je pensais que qu’il ne passerait pas la modération et servirait simplement à la correction… mais celle-ci, je le reconnais, veut qu’on fasse preuve de civilité.
Cordialement
Bonjour Jacques, je vous en prie, il n’y a pas de mal. Il est vrai que je suis particulièrement sensible à la « forme » depuis que j’ai écrit ce billet : http://www.projet-voltaire.fr/blog/regle-orthographe/reseaux-sociaux-signaler-faute-orthographe-tact-delicatesse. Bonne journée et à bientôt !
Excellent article et site web, j’aime!
Merci :-).
Le silence des dictionnaires courants sur ce mot est en effet étonnant. Isolé, le « Larousse » se fend d’une brève définition restreinte au « sex-appeal sophistiqué caractéristique de certaines stars hollywoodiennes ». L’Académie s’est tout de même penchée (dans son site Internet) sur ce mot, sans en proposer de variante française.
L’enchantement perdure donc !