Étrange phénomène que l’hypercorrection ! Il se situe quelque part entre la linguistique et la sociologie. Comment le définir ? Et surtout… comment s’en prémunir ?
Hypercorrection : de quoi s’agit-il ?
Le Petit Robert en ligne précise que l’hypercorrection est une « reconstruction fautive d’une forme linguistique produisant une forme supposée correcte. »
Par extension, ce phénomène désigne le fait de se tromper quand on s’exprime à l’oral ou à l’écrit, non par ignorance ou par erreur, mais par souci de montrer sa maîtrise de la langue. Eh oui, c’est ce qu’indique le préfixe « hyper- » (venu du grec huper qui signifie « sur ») : à force de vouloir écrire ou parler de manière irréprochable, on (se) corrige trop et on finit par se tromper. Un comble !
Quelques exemples d’erreurs liées à l’hypercorrection
Concrètement, quelles sont les fautes liées à l’hypercorrection ? Elles sont variées, mais elles ont toutes en commun le fait de vouloir « bien faire » ou de chercher à valoriser son discours. Michel Feltin-Palas, spécialiste de la langue française, en liste plusieurs dans un article paru dans l’Express.
L’ajout de lettres muettes ou savantes dans certains mots
Avez-vous envie d’ajouter un « h » quelque part dans le mot « étymologie » ? Ou un « y » dans le mot « algorithme » ? Il peut s’agir d’une faute d’hypercorrection, car il est tentant de complexifier ces mots à l’orthographe déjà un peu compliquée…
L’ajout d’accents circonflexes inutiles en conjugaison
Ajouter des accents circonflexes à certains verbes, rendre la conjugaison plus compliquée qu’elle ne l’est… nous sommes là encore face à un cas typique d’hypercorrection ! Est-ce la faute de l’imparfait du subjonctif, un temps particulièrement complexe ? Il est vrai qu’il fait la part belle aux accents circonflexes : « J’ai souhaité qu’on indiquât la date sur le document. » Cela n’est pas une raison pour en ajouter à tous les verbes et à tous les temps. Ainsi, au présent de l’indicatif, on n’écrit pas « Il fût », « Il dût » ni « Il fît ». On rencontre pourtant parfois ces formes fautives. Une autre raison à cela est peut-être l’existence du nom « dû » (« mon dû ») et du participe passé du verbe « devoir » (« Il a dû s’absenter. »).
La redondance dans les formules interrogatives
« Est-ce que cette personne est-elle entrée ? » On se dit peut-être que ce serait « classe » de montrer que l’on maîtrise l’inversion verbe-sujet dans une phrase interrogative. Pas de chance, avec « est-ce que », on ne doit pas utiliser ladite inversion…
Une chasse excessive aux anglicismes
Le mot « contact » vous paraît venir tout droit d’outre-Manche ? En conséquence, vous évitez de l’employer ? Vous avez tort : l’Académie française rappelle que ce mot nous vient du latin (même s’il faut éviter de dire et d’écrire « contacter »). Il existe de nombreux autres exemples, dont le fameux « trafic » (qui peut également être utilisé en français). Tenter de les remplacer absolument peut relever de l’hypercorrection.
La conjugaison de certains verbes
Michel Feltin-Palas rappelle également dans son article que l’hypercorrection peut pousser à surinterpréter certaines règles. C’est le cas en conjugaison lorsque l’on est tenté de dire ou d’écrire « vous médites » ou « vous vous contredites », autrement dit d’employer la règle qui s’applique aux verbes « dire » et « redire ». Erreur, car si « vous dites » et « vous redites » sont des formulations correctes, il faut dire et écrire « vous médisez » et « vous vous contredisez ».
D’autres fautes possiblement liées à l’hypercorrection
L’emploi (trop) insistant de « dont » peut être une autre erreur liée à l’hypercorrection. Pour montrer que l’on parle bien, encore une fois, on peut être tenté de dire : « C’est de cette personne dont je vous parle », ce qui est une faute puisqu’il faut dire : « C’est de cette personne que je vous parle », ou « C’est cette personne dont je vous parle. » Autres exemples de fautes qui peuvent relever de l’hypercorrection : ajouter un « ç » devant un « i » ou un « e », employer le subjonctif après « après que » (alors que l’indicatif s’impose)…
Les causes possibles de l’hypercorrection
L’analogie joue probablement un grand rôle dans l’hypercorrection : face à des éléments qui nous semblent similaires (les verbes « dire » et « médire »), on applique à tort une seule et même règle.
On peut évoquer également expliquer l’hypercorrection par des causes sociologiques. Dans les années 1960, le linguiste américain William Labov a mis en évidence le phénomène d’insécurité linguistique. Certaines personnes éprouveraient le sentiment que leur manière de s’exprimer n’est pas conforme à ce qui est attendu. Il en résulte une envie de faire mieux, d’employer des mots ou des expressions spécifiques que l’on maîtrise mal, ce qui conduit à des erreurs. L’hypercorrection se manifeste donc davantage dans certains contextes : un examen, un entretien d’embauche… ou toute situation où l’on cherche à faire « bonne figure ».
Comment se débarrasser de l’hypercorrection ?
C’est naturellement la grande question ! Nous vous préconisons de garder votre vigilance sur deux points.
Utilisez ce que vous connaissez…
On l’a vu, l’hypercorrection vient essentiellement de l’envie de bien faire. Résistez donc à cette envie. Vous n’êtes pas certain du sens de « diagnostiquer » ? Laissez donc ce mot hors de la conversation pour l’instant ! « Soigner », « examiner », c’est très bien aussi et vous ne risquez pas de vous tromper. Vous ne savez pas s’il faut dire « vous médisez » ou « vous médites » ? Fort bien, contentez-vous du classique « dire du mal ». On vous comprendra, c’est une certitude ! Dites-vous de manière générale que vous savez parler et écrire et qu’il n’y a pas besoin d’en faire trop. Vous convaincrez d’autant plus facilement votre auditoire si vous agissez de manière naturelle. Vous serez aussi plus à l’aise.
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