Dans de précédents dossiers Voltaire, nous avons vu comment se remettre à niveau en français, atteindre le niveau supérieur et même viser l’excellence. Mais connaissez-vous des règles de grammaire vraiment difficiles ? Le genre qui pousse à s’arracher les cheveux ? Et nous ne parlons pas ici de règles obscures employées uniquement par des grammairiens ou des étymologistes, mais de celles que l’on peut rencontrer… tous les jours ou presque ! Nous en avons sélectionné dix que nous vous proposons de découvrir ci-dessous. Les maîtrisez-vous toutes ?
1- Le « ne » explétif
Il existe plusieurs adverbes dits « explétifs » : « ne », mais aussi « bien », « donc », « là », « un peu »… Le fait de les utiliser ne modifie pas radicalement le sens de la phrase. Ils servent plutôt à atténuer ou à renforcer l’idée exprimée.
- C’est plus cher que je ne le pensais.
- Essayez donc !
- Je dispose bien d’une roue de secours, mais deux pneus sont crevés.
Dans ce cadre, le « ne » explétif est souvent utilisé après un comparatif : plus que, moins que, davantage, etc. Il sert généralement à exprimer des nuances de doute ou de crainte : « J’ai peur que cela ne soit avéré. » Ce « ne » explétif peut donc entraîner quelques confusions… En effet, « j’ai peur que cela ne soit avéré » signifie la même chose que « j’ai peur que cela soit avéré » !
2- Le pluriel des noms composés
Qu’est-ce qu’un nom composé ? Sandrine Campese, experte en français pour le Projet Voltaire, rappelle qu’il s’agit d’un nom composé de deux mots (ou plus). Prennent-ils la marque du pluriel ? Bien entendu, la réponse est : ça dépend !
Si les mots ne sont pas liés par un trait d’union
C’est le cas le plus simple. Les deux mots prennent la marque du pluriel : « des bandes dessinées », « des dessins animés ». Si on a affaire à un nom composé comportant une préposition, seul le nom varie : « un fer à souder » donne « des fers à souder » au pluriel.
Si le nom est associé à un autre nom
En général, chaque nom porte la marque du pluriel : « des bateaux-mouches »… mais, Sandrine Campese le rappelle, il existe des exceptions, comme « des années-lumière ».
Si le nom est associé à un adjectif
Dans la plupart des cas, chaque mot est pluriel : « des coffres-forts ». Mais là encore, il y a des exceptions, notamment avec les adjectifs « demi » et « nu », qui ne prennent pas la marque du pluriel : « des demi-parts », « des nu-pieds ». De même, les adjectifs liés à la nationalité ne prennent pas la marque du pluriel : « des Franco-Belges ».
Si le nom est associé à un verbe
Le verbe demeure invariable en toutes circonstances, mais pour le nom, les choses sont plus complexes : selon le sens, il peut porter ou pas la marque du pluriel. Par exemple, on écrit « des porte-parole », mais « des sèche-cheveux » et « des porte-avions ».
Si le nom est associé à un adverbe ou à une préposition
Dans ce cas, seul le nom prend la marque du pluriel : « des en-têtes ».
3- L’accord du participe passé
Euh… mais c’est simple, nous direz-vous. Je l’ai appris à l’école ! Dans une phrase avec l’auxiliaire « être », le participe passé s’accorde avec le sujet de la phrase : « ils sont venus », « elles sont arrivées ». Et dans une phrase avec l’auxiliaire « avoir », il s’accorde avec le complément d’objet direct (COD) uniquement si celui-ci est placé avant lui : « Les souris ? Le chat les a mangées. » Oui, mais… il existe bien d’autres cas ! Lisez ce qui suit… ou consultez notre article complet sur l’accord du participe passé.
Avec un infinitif
Si le participe passé est suivi d’un verbe à l’infinitif, il s’accorde avec le COD… mais uniquement si celui-ci fait l’action exprimée par l’infinitif : « L’équipe que j’ai vue gagner. »
Dans le cas des verbes pronominaux
Tout dépend ici si le verbe est essentiellement pronominal ou accidentellement pronominal. Pour rappel, un verbe essentiellement pronominal n’existe qu’à la forme pronominale (s’absenter, se chamailler, etc.), tandis qu’un verbe accidentellement pronominal peut exister à la forme pronominale et non pronominale tout en conservant le même sens (s’embrasser, se laver, etc.).
Dans le premier cas, le participe passé s’accorde avec le verbe : « Ils se sont évanouis. » Dans le second cas, il faut analyser si le pronom réfléchi est ou non un COD. Si c’est le cas, il faut faire l’accord : « Elles se sont embrassées. » Si le pronom réfléchi est un complément d’objet indirect, il ne faut pas faire l’accord : « Ils se sont téléphoné. »
Avec « en »
Il faut analyser si ce « en » est ou non un COD. Si on peut le retirer de la phrase, c’est qu’il n’est pas COD. Quand « en » est COD, le participe passé doit rester invariable. Dans le cas contraire, l’accord se fait avec le mot qui remplit la fonction de COD.
- Des erreurs, j’en ai commis.
- Je n’oublierai pas ce professeur ni les enseignements que j’en ai reçus.
4- Le subjonctif
S’agit-il du mode le plus compliqué de la langue française ? Ce n’est pas impossible… Même le subjonctif présent nous met face à des terminaisons qui ne sont pas forcément intuitives. Rappelons que ce mode exprime l’envie, le souhait ou l’incertitude. On le trouve souvent après un « que ». Il se forme généralement avec le radical de l’infinitif auquel il faut ajouter les terminaisons suivantes : -e, -es, -e, -ions, -iez, -ent.
Mais il existe de nombreuses exceptions. Prenez le verbe « aller », par exemple. Au subjonctif présent, il faudra dire et écrire « que j’aille ». Et si vous conjuguez ce verbe au subjonctif imparfait, il retrouve son radical d’origine : « que j’allasse », « que tu allasses », « que nous allassions ». Au passage, admirez la complexité des terminaisons de ce temps !
En plus, on ne sait pas toujours bien quand le subjonctif doit être utilisé ou non. Par exemple, il doit l’être après « avant que », mais pas après « après que » ! Dans ce dernier cas, il faut mettre le verbe à l’indicatif.
5- La concordance des temps
Maîtrisez-vous cette subtilité de la langue française ? Si ce n’est pas le cas, sachez qu’il faut distinguer deux cas : celui d’une phrase à l’indicatif et celui d’une phrase au subjonctif.
Dans le premier cas, le verbe de la proposition subordonnée sera au présent, au futur ou au passé, en fonction de la temporalité de l’action : « Il ignore que j’arrive. » « Il ignore que j’arriverai… » Il faut bien entendu prendre en compte le temps de la proposition principale : « Il ignorait que j’arrivais. » « Il ignorera que j’arriverai. »
Dans le second cas, selon la temporalité de l’action, le verbe de la proposition subordonnée devra être conjugué au subjonctif présent… ou aux très complexes imparfait ou plus-que-parfait du subjonctif si l’on veut respecter les enseignements de la grammaire classique : « je souhaitais que tu vinsses » (et non « que tu viennes »), « je regrettais qu’il ne fût pas venu » (et non « qu’il ne soit pas venu »). À noter qu’avec le verbe « espérer », c’est l’indicatif qui est employé, et non le subjonctif.
6- Les anglicismes
Nous utilisons dans notre quotidien de nombreux anglicismes. Par exemple, vous dites et écrivez peut-être que vous voulez « contacter M. Untel ». Eh bien, vous avez tort, grammaticalement parlant. L’Académie française recommande de ne pas user de ce mot venu de la langue anglaise. Préférez « prendre contact » avec quelqu’un.
Et les exemples sont légion : « cool », « business », « crash », « spoiler », « challenge », « pitch », « coach »… alors qu’il existe généralement pour chacun un équivalent français parfaitement compréhensible.
7- L’accord des adjectifs de couleur
Un adjectif de couleur s’accorde en genre et en nombre avec le nom auquel il se rapporte : « une voiture bleue », « des chemises rouges ». Jusque-là, rien de bien sorcier… mais il existe de multiples exceptions.
Un adjectif de couleur tiré d’un nom est invariable
On écrit « des chemises rouges », mais « des chemises marron », car « marron » est tiré d’un nom. On applique la même règle avec « orange » ainsi qu’avec toutes les teintes comme « chair », « crème », « moutarde », etc. Il y a cependant des exceptions ! Ainsi, « rose », « pourpre », « mauve », « écarlate », « fauve », « incarnat » et « vermeil » sont tirés de noms, mais ils s’accordent tout de même.
Un adjectif composé reste invariable
Vous voulez parler de ces murs mauve pâle ? Alors, « mauve » et « pâle » restent tous deux invariables. S’il s’agit de deux adjectifs de couleur (et seulement dans ce cas), on prendra soin d’ajouter un trait d’union pour les lier mais ils resteront invariables : « des tentes bleu-vert ».
Deux adjectifs de couleur s’accordent… ou pas
Enfin, faut-il écrire « des robes jaunes et vertes » ou « des robes jaune et vert » ? Cela dépend des robes en question. Si elles comportent à la fois du jaune et du vert, on écrira « des robes jaune et vert ». Si elles sont unicolores (il y a des robes jaunes et d’autres, vertes), alors on écrira « des robes jaunes et vertes ».
8- Lune, état, église… Une majuscule ?
Faut-il mettre une majuscule au mot « état » ? Et à « lune » ? Et à « église » ? Cela dépend… Lorsque l’on parle de l’État en tant qu’autorité ou pays, il faut la majuscule. Sinon, la minuscule prévaut. Pour ce qui est de la Lune, elle ne prend une majuscule que s’il s’agit de l’astre en orbite autour de la Terre. Laquelle Terre ne prend une majuscule que lorsqu’il s’agit de notre bonne vieille planète. Quant à l’église, elle ne prend pas de majuscule quand il s’agit de l’édifice, mais elle en prend une lorsque l’on parle de l’institution. Pour en savoir plus, lisez notre article sur le sujet.
9- Des expressions complexes
Continuons notre tour d’horizon avec quelques expressions pour le moins complexes ou, du moins, trompeuses.
Commençons avec « c’est là que le bât blesse », qui désigne la cause d’une souffrance ou d’un problème. On ne parle pas du « bas » en tant que vêtement, comme on pourrait le croire, mais en tant que dispositif placé sur le dos d’une bête pour lui faire porter des charges lourdes. Cela s’écrit bien « le bât » et, mal positionné, il pouvait en effet blesser l’animal.
Votre chambre, maintenant… Vous ne l’avez pas rangée, elle est donc « sans dessus dessous » ? C’est-à-dire qu’on ne distinguerait plus le dessus et le dessous ? Eh bien, non, elle est « sens dessus dessous » : on parle bien du « sens ». Ce n’est pas forcément intuitif.
Enfin, dernier exemple, vous vérifiez quelque chose par « acquis de conscience » ? Eh non, par « acquit », car dans ce cas, vous cherchez à « acquitter » votre conscience, et non pas à « acquérir » quelque chose.
10- Des mots et pas d’autres…
Encore quelques exemples pour finir ? Il existe évidemment une grande différence entre certains mots proches : « mythifier » signifie « instaurer en tant que mythe », alors que « mystifier » signifie « tromper » ou « abuser quelqu’un ». Une inclinaison est un mouvement physique qui a peu à voir avec l’inclination, qui signifie que l’on ressent de l’attirance pour une personne. Enfin, un martyre (« le supplice ») n’est pas la même chose qu’un martyr (« la personne qui subit ce supplice »)… même si on parle d’une martyre quand il s’agit d’une femme, ce qui complexifie encore les choses.
J’améliore ma maîtrise du françaisDécouvrez aussi notre dossier complet sur les fautes d’orthographe.