Voici le deuxième volet de notre série sur les noms qui changent de sens en changeant de genre ! Au menu : six nouveaux termes à découvrir sous un autre angle. Vous employez couramment l’un des deux genres, mais connaissez-vous l’autre ? C’est l’occasion de les décortiquer, d’évoquer une étymologie, de raconter une anecdote, et au Projet Voltaire on ne s’en prive jamais !
Un coche / une coche
Le genre le plus employé : masculin
On ne l’utilise plus guère que dans l’expression « manquer ou rater le coche », qui signifie « perdre l’occasion de faire une chose utile, profitable ». On oublie que ce « coche » est à l’origine une grande voiture tirée par des chevaux (hippomobile, donc), qui servait au transport des voyageurs. Le coche était conduit par… un cocher. Eh oui, ce dernier mot, bien connu, n’est pas sorti de nulle part !
La Fontaine a écrit une fable intitulée Le Coche et la Mouche. Celle-ci a donné lieu à une expression populaire « la mouche du coche », pour désigner une personne qui s’agite sans aucune utilité quand les autres travaillent, et qui ensuite prétend s’attirer le mérite du succès. Vous en connaissez certainement…
Le genre moins connu : féminin
Au féminin, une coche est une entaille, ou encore une encoche. Quand vous répondez à un questionnaire et que vous « cochez les cases » en y apposant une sorte de « V », il s’agit d’une coche !
Une foudre / un foudre
Le genre le plus employé : féminin
Tout le monde a déjà observé la foudre, cette décharge électrique qui se produit par temps d’orage, avec une lumière (l’éclair) et une détonation (le tonnerre). Au sens figuré, le nom s’emploie au pluriel pour désigner une colère, une condamnation, des reproches (s’attirer les foudres de quelqu’un).
Le genre moins connu : masculin
Ici aussi, le genre masculin est surtout employé dans l’expression « Ce n’est pas un foudre de guerre », sous-entendu : « il n’est pas très malin ». On oublie que le foudre désigne à l’origine un capitaine, mais aussi un gros tonneau ! Enfin, le foudre est aussi l’arme et l’attribut de Zeus (ou Jupiter) : un faisceau enflammé en forme d’éclair.
Une greffe / un greffe
Le genre le plus employé : féminin
En botanique ou en chirurgie, la greffe est une opération consistant à insérer la pousse d’une plante dans une autre plante ou une portion de l’organisme humain dans une autre partie du corps ou chez un autre individu. C’est aussi le résultat de cette opération. Exemple : avoir reçu, subi une greffe de la moelle épinière.
Le genre moins connu : masculin
Un greffe, c’est, anciennement, un stylet, un poinçon pour écrire. De cette acception vieillie est tiré le sens actuel : « bureau où l’on garde les minutes des actes de procédure ». On parle du « greffe du tribunal », du dépôt d’un dossier « au greffe ».
Attention, le nom minute n’est pas ici une division de temps, mais « l’original d’un jugement ou d’un acte authentique dont le dépositaire ne peut se dessaisir. » Avant cela, la « minute » désignait une petite écriture, de petits caractères. En effet le latin médiéval minuta signifie « écriture menue ». Mignon, non ?
un livre / une livre
Le genre le plus employé : masculin
Est-il besoin de définir ce qu’est un livre ? C’est un assemblage de feuilles portant des signes imprimés, donc un objet matériel, mais aussi, depuis que Montaigne l’a employé ainsi, le contenu de cet objet ! En ce sens, « lire un livre » ne constitue pas (ou plus) une synecdoque (désigner le contenu par le contenant), comme c’est le cas de « boire un verre ».
Le genre moins connu : féminin
Un tout petit peu moins connu, alors ! La livre, c’est une ancienne unité de mesure de masse, devenue une monnaie qui ne subsiste aujourd’hui qu’au Royaume-Uni. On parle de la « livre » ou de la « livre sterling ». Son symbole est £.
Attention à ne pas confondre la livre avec la lire, qui a seulement une lettre de moins, et toujours un lien avec… la lecture ! La lire est une ancienne unité monétaire italienne et se distingue elle-même de la lyre, l’instrument de musique…
un merci / une merci
Le genre le plus connu : masculin
Le nom merci désigne le remerciement. Sans article, c’est un terme de politesse pour remercier. Il est bien utile, notamment, pour accompagner l’expression d’un refus : « non, merci », plutôt que « non », tout court !
Le genre moins connu : féminin
La merci, sans « e », ne s’emploie plus guère que dans l’expression « être à la merci de », c’est-à-dire dans une situation où l’on dépend entièrement de quelque chose ou quelqu’un. Ou encore dans « une lutte sans merci », autrement dit, acharnée, impitoyable ! Anciennement, on employait le mot tout seul pour signifier la grâce, la pitié.
une pupille / un pupille
Le genre le plus connu : féminin
La pupille, c’est l’orifice central de l’iris, par où passent les rayons lumineux. On parle aussi de la prunelle (cf. « y tenir comme à la prunelle de ses yeux »). Le mot, issu du latin pupilla, est de la même famille que « pépin ». Il est vrai que la pupille et le pépin partagent une forme commune : petite et ronde !
Le genre moins connu : masculin
Un pupille, c’est un orphelin mineur sous l’autorité d’un tuteur. On le rencontre surtout dans le syntagme « pupilles de la Nation », pour désigner les enfants de victimes de guerre. Dans le jargon du sport, les pupilles sont de jeunes sportifs de moins de 14 ans. Notons qu’en ce sens, « pupille » vient du latin pupillus, lui-même issu de pupus, « petit garçon ».
Définitions tirées du Petit Robert de la langue française (dernière édition, version numérique)
Sandrine Campese
Bonjour Madame,
Une coche peut être une truie (langage agricole)
Bonjour et merci pour cette acception que j’ignorais et pour cause, elle ne figure pas dans le dictionnaire ! Bonne journée :-).