Contacter, initier, réaliser… Ces verbes cachent des anglicismes !

Scoop ! Breaking news ! Les anglicismes ne sont pas toujours des mots directement tirés de l’anglais, ayant subi peu ou pas de transformation. Ce serait trop simple ! Il s’agit aussi de mots français dont l’emploi, la tournure, le sens ont été calqués sur l’anglais. Et ceux-là sont bien plus difficiles à déceler. Parfois, les dictionnaires indiquent « emploi critiqué » ou « langue familière », mais c’est surtout l’Académie française qui condamne systématiquement ces « extensions de sens abusives », pour reprendre sa terminologie. Et pour inaugurer cette série sur les anglicismes masqués, commençons par les verbes !

CONTACTER

Contacter

Vous ne pensiez pas employer un anglicisme en disant ou en écrivant « Je vous contacterai prochainement » ? Et pourtant ! Si le nom contact, issu du latin contactus, existe depuis longtemps en français, le verbe contacter a été formé par imitation de l’anglais (to) contact. Le Petit Robert précise que c’est un « emploi critiqué » et Larousse le cantonne au registre familier. Pour le remplacer, l’Académie propose « Entrer en contact, prendre contact (avec) ». Trop long, jugez-vous ? D’autres verbes sont à votre disposition : appeler, approcher, joindre, rencontrer (quelqu’un), suivant le contexte. Ainsi, l’exemple de départ reformulé comme suit, « Je vous téléphonerai (ou écrirai) prochainement », est à la fois plus français… et plus précis !

CONSCIENTISER

Conscientiser

Si « conscientiser » semble d’usage récent, il serait apparu pour la première fois dans les années 1970 ! Certes, le mot français conscient existe, mais c’est sur le verbe anglais to conscientize que le verbe français conscientiser a été calqué. Que signifie-t-il concrètement ? « Faire prendre conscience (à quelqu’un) », acception qui était jusqu’alors assez bien couverte par le verbe sensibiliser. Conscientiser va plus loin : il signifie aussi « donner une conscience politique » (conscientiser les jeunes), et concurrence « politiser ».

IMPACTER

Impacter

Rendons à César ce qui appartient à César ! Le nom impact est d’origine latine. Il existait sous la forme impactum, du verbe impingere, « heurter ». C’est pourquoi impact existe à la fois en français (depuis 1824 !) et en anglais. Mais c’est bien sous l’influence du verbe anglais to impact qu’est né le verbe français impacter, beaucoup plus récemment, puisque sa première attestation remonte, selon Le Petit Robert, à 1992. Reste à s’accorder sur le sens ! Car impacter est censé être neutre, à l’instar de toucher en « bon français ». Pourtant, l’usage lui attribue volontiers un effet négatif, le rendant proche des équivalents affecter ou ralentir, par exemple.

INITIER

Initier

Au sens strict (et français), initier consiste à admettre quelqu’un à la connaissance, à la pratique (d’une religion, d’une langue ou de tout autre savoir). C’est sous l’influence de l’anglais to initiate que le verbe s’est mis à signifier « prendre l’initiative de ». Par exemple, « initier une enquête », « initier une discussion », alors qu’on peut tout aussi bien dire, selon le complément : commencer, inaugurer, engager, entreprendre, lancer, être à l’origine de, prendre l’initiative de, etc. Ici encore, le banc des remplaçants, côté français, est plutôt bien pourvu !

INTRODUIRE

Introduire

L’Académie française est formelle : non, on n’introduit pas un ami à ses parents ; on présente un ami à ses parents, nuance ! La première tournure est un calque du verbe anglais to introduce qui, outre-Manche et outre-Atlantique, signifie « présenter ». La deuxième tournure est celle recommandée par l’Institution. Bien sûr, il est toujours possible d’introduire une personne dans un lieu ou une assemblée, auquel cas on la conduit, on la fait admettre. Ainsi, vous l’aurez compris, on ne saurait traduire « Let me introduce my friend » par autre chose que « Laissez-moi vous présenter mon ami », d’autant qu’une traduction littérale pourrait paraître fort cocasse voire triviale !

PRESSURER

Pressurer

Attention à ne pas confondre pressuriser et pressurer, qui sont des paronymes, identiques à deux lettres près ! Le premier, pressuriser, est un anglicisme, tiré du verbe anglais to pressurize. Il n’a qu’un sens, « maintenir à une pression normale (un avion, un véhicule spatial) » et se rencontre surtout dans le syntagme « cabine pressurisée ». Si l’on veut dire que l’on « tire d’une personne tout ce qu’elle peut donner », alors c’est pressurer, issu du vieux verbe pressoirer (de pressoir), qui convient. Ainsi, l’on peut pressurer (et non pressuriser !) le peuple, c’est-à-dire l’accabler, l’exploiter, le piller… L’expression populaire « presser comme un citron » contient cette même idée.

RÉALISER

Réaliser

Si le verbe réaliser est bien français – il contient d’ailleurs la racine latine realis – l’un de ses emplois constitue un anglicisme. Ici encore, cet emploi est plus ancien qu’on ne le pense, puisqu’il remonte à 1895. Il prend modèle sur le verbe anglais to realize pour signifier « se rendre compte avec précision », « se faire une idée nette de ». Autrement dit, « saisir » ! Exemples : « Tu as mis du temps à réaliser ! », « Il a réalisé qu’il s’agissait de lui ». Le Petit Robert note que c’est un « emploi critiqué ». Quant à l’Académie française, elle propose de dire « Tu as mis du temps à t’en apercevoir » (ou « à t’en rendre compte  ») ou « Il a compris qu’il s’agissait de lui ». Il est vrai que cela fonctionne tout aussi bien !

STOPPER

Stopper

Ce dernier verbe est plutôt « transparent », il est vrai ! Pourtant, à force de voir le mot stop sur les panneaux indicateurs, on oublierait presque que c’est un anglicisme ! Comme l’interjection stop !, le verbe français stopper a donc été formé sur le verbe anglais to stop, auquel on a ajouté la terminaison de l’infinitif -er. C’est un anglicisme assez ancien, puisqu’il a été attesté… en 1841, selon Le Petit Robert, d’abord dans le langage de la marine, des véhicules, des moteurs, etc. À part éventuellement sa brièveté, son « peps », on ne sait pas trop ce que stopper apporte de plus que les verbes français arrêter, cesser, interrompre, recommandés par l’Académie française.

Sandrine Campese

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    Bonjour Jean-Paul, je l’ai moi aussi entendu, alors que l’on pourrait dire mille autres choses : parler du vocabulaire, de la tournure, du sens, du choix des mots… Bon après-midi.

Tous ces anglicismes sont exacts, mais il est exagéré de vouloir revenir en arrière. Une fois que le mot est utilisé et compris par la majorité, tant pis, continuons à les utiliser. Parking est bel et bien un anglicisme, mais le remplacer par un mot ou une locution plus franco-française serait franchement ridicule.

    Bonsoir Geneviève, merci pour votre message. Vous aurez remarqué qu’il s’agit d’anglicismes cachés, alors que parking est un anglicisme tout court, passé tel quel en français. Enfin, leur usage, notamment dans le langage professionnel, corporate, est relativement récent (contrairement à parking, derechef). Il est donc tout à fait temps de leur opposer des équivalents français, pour qui le souhaite ! Bonne soirée.

    Je suis tout à fait d’accord avec Geneviève. Les anglicismes cachés dans la langue française sont des mots ou expressions qui semblent français mais qui sont en réalité des emprunts à l’anglais, souvent avec des significations différentes ou qui n’existent pas en anglais. Ces termes peuvent s’infiltrer dans la langue de manière subtile, parfois même sans que les locuteurs en soient conscients. Ils reflètent l’influence culturelle et linguistique de l’anglais sur le français, et leur usage peut être perçu comme un moyen d’ajouter un cachet de modernité ou de mondialisation à la communication. Henriette Walter, dans son ouvrage « Honni soit qui mal y pense », explore l’histoire fascinante et complexe des interactions entre le français et l’anglais. Elle révèle comment, au fil des siècles, ces deux langues se sont influencées mutuellement, empruntant des mots et des expressions, souvent de manière si subtile qu’ils deviennent « cachés » dans leur langue adoptive. Walter illustre cette relation linguistique à travers des anecdotes et des analyses qui démontrent une véritable histoire d’amour entre le français et l’anglais, enrichissant ainsi notre compréhension des anglicismes dans la langue française.

Les journalistes sportifs (l’équipe 21 par exemple) emploient souvent « déceptif » pour « décevant ». Là encore, voir l’anglais « deceptive ».