Le principe d’un anglicisme caché ? À première vue, il a l’air d’un mot français. Mais à y regarder de plus près, on découvre que l’un de ses emplois est calqué sur l’anglais, alors que nous disposons de termes français pour dire exactement la même chose. Après les verbes, les adjectifs et les adverbes, démasquons les noms qui cachent des anglicismes !
AGENDA
Vous avez très certainement un agenda, c’est-à-dire un « carnet sur lequel vous inscrivez jour par jour ce que vous devez faire ». Par extension, on emploie également agenda comme synonyme d’emploi du temps, de calendrier. Ce mot est issu du latin, précisément du verbe agere, qui a donné « agir ». Jusqu’ici, pas d’anglicisme en vue !
Agenda devient un anglicisme quand il vient signifier, comme en anglais, le programme ou l’ordre du jour d’une réunion. C’est ce que souligne Le Petit Robert en donnant comme exemple : « Question inscrite à l’agenda du sommet européen. »
L’Office québécois de la langue française déconseille son emploi, notamment dans l’expression « agenda politique », calque de l’anglais political agenda, lui préférant les équivalents suivants : programme politique, priorité (du gouvernement), ligne d’action (d’un parti).
ATTAQUE
L’Académie française critique l’emploi du nom attaque, par calque de l’anglais attack, au sens de « attentat ». Et la triste actualité de ces dernières années a fourni nombre d’emplois de ce type.
Or, pour la haute institution, les deux termes – attaque et attentat – n’ont pas le même sens en français. L’attaque est « une action violente, une agression ou un assaut » ; l’attentat est aussi une action violente, mais également « criminelle contre les personnes, les biens privés ou publics, les institutions ».
Ainsi, il serait bon de distinguer entre « l’attaque d’une banque » et un « attentat terroriste » (et non une « attaque terroriste », traduction littérale de terrorist attack).
ÉVIDENCE
Bien sûr, le nom évidence existe en français. C’est, selon Le Petit Robert, « ce qui s’impose à l’esprit avec une telle force qu’il n’est besoin d’aucune autre preuve pour en connaître la vérité, la réalité ». Vous l’aurez compris, il est question de certitude. Et… c’est tout !
En français, une évidence n’est pas une « preuve ». Ce sens est à réserver à l’anglais evidence.
On ne dira donc pas qu’un enquêteur dispose de plusieurs « évidences » contre l’accusé ou, à l’inverse, qu’il n’y a aucune « évidence » qui démontre telle ou telle chose. Pour exprimer l’idée de l’anglais evidence, nous avons, outre preuve, plusieurs mots à disposition : témoignage, indices, démonstration, résultats ou encore données, selon le contexte.
FOCUS
Comme agenda plus haut, le nom focus vient du latin où il signifie « foyer ». C’est au XVIe siècle qu’il passe tel quel en français, se limitant alors au vocabulaire de l’optique (foyer d’une lentille, d’un miroir). Puis, par calque de l’anglais (to focus, « mettre au point »), il s’étend à la photographie pour désigner un gros plan sur quelque chose. D’ailleurs, ce sens est toujours le premier indiqué dans le dictionnaire.
C’est ainsi qu’on arrive au sens de « gros plan », s’appliquant à tout élément sur lequel on veut se concentrer, attirer l’attention, montrer un intérêt.
Si Le Petit Robert ne voit pas d’inconvénient à l’employer dans ce sens (il propose d’ailleurs comme quasi-synonyme zoom, encore plus « anglais » !), l’Académie française le critique vivement et propose, en lieu et place de « faire un focus sur » : « faire un gros plan » ou « mettre en lumière ».
Pas la peine de lui demander ce qu’elle pense du verbe dérivé focusser que l’on voit fleurir çà et là…
FUTUR
Qui l’eût cru, que le nom futur, employé au sens de « avenir », puisse être un anglicisme ? Un anglicisme à proscrire, selon l’Académie française. Si l’anglais future a le sens de « avenir », il n’en est pas de même du français futur. Vous suivez ? Attention, la nuance est subtile !
Toujours d’après l’Académie, « avenir désigne une époque que connaîtront ceux qui vivent aujourd’hui, alors que futur renvoie à un temps plus lointain, qui appartiendra aux générations qui nous suivront ».
Conclusion : on ne parlera pas du futur d’une personne, mais bien de son avenir (littéralement, ce qui est « à venir »). De même, on prédit l’avenir, pas le futur.
Dans le même ordre d’idée, rappelons que jadis est bien antérieur à naguère. Jadis vient du vieux français ja a dis, « il y a déjà des jours », et évoque donc des temps très anciens, tandis que naguère, contraction de « il n’y a guère », concerne l’époque récente. |
OPPORTUNITÉ
En français, l’opportunité est le caractère de ce qui est « opportun » ; autrement dit « qui convient dans un cas déterminé, qui vient à propos ». On peut ainsi juger de l’opportunité d’une décision, d’une mesure. Et… c’est tout !
Employer « opportunité » au lieu de dire « occasion » constitue un anglicisme. C’est un emploi critiqué selon Le Petit Robert, une impropriété selon l’Académie française. Vous l’aurez compris, si l’on veut s’exprimer dans un français parfait, on cherche une occasion, on saisit une occasion, on profite d’une occasion, on a l’occasion (de), mais pas l’opportunité…
TRAFIC
En français, le trafic a d’abord été lié au commerce. Ainsi, « faire trafic de quelque chose » signifiait « négocier », puis le terme a pris une connotation péjorative pour désigner un commerce plus ou moins clandestin, immoral, illicite (trafic d’esclaves, d’armes, de drogue…). Ce n’est que bien plus tard, au milieu du XIXe siècle, qu’il a trait, par imitation de l’anglais traffic, au mouvement de véhicules (trafic ferroviaire, maritime, aérien…). L’Académie française recommande d’utiliser circulation (« Il y a beaucoup de circulation », et non de trafic), voire embouteillages (« Nous sommes bloqués dans les embouteillages », et non dans le trafic).
Sandrine Campese
Sources : Site internet de l’Académie française, rubrique Dire, ne pas dire ; Le Petit Robert de la langue française (version numérique, 2021) ; Site internet de l’Office québécois de la langue française, « Banque de dépannage linguistique », Les emprunts à l’anglais.
À lire également :
Bonjour,
C’est effectivement toujours intéressant de connaître l’origine des mots que nous utilisons souvent et sur lesquels nous ne nous penchons pas forcément. Néanmoins, est-ce qu’utiliser des anglicismes est nécessairement une « mauvaise » chose ? Et pourquoi ? La lexique anglais est composé à plus des deux tiers de mots d’origine française (selon la linguiste Henriette Walter). Je ne les jamais vu pleurer dessus… Y a-t-il une raison autre que du chauvinisme et la peur de voir une certaine idée de la « Culture Française » (whatever that means) disparaître ?
Merci !
Bonjour Caroline, oui, quantité de mots français se sont insérés dans la langue anglaise il y a plusieurs siècles, sûrement parce qu’il n’existait pas, à ce moment-là, de mots anglais pour désigner les choses en question. Notons que la plupart ont été anglicisés. Exemple : gouvernement –> government, couronne –> crown, etc. Or, en français, non seulement nous utilisons des anglicismes souvent inutiles (il existe déjà un mot ou plusieurs mots français pour exprimer la même idée ou presque), mais nous ne faisons absolument plus l’effort de les franciser. Et cela fait, je le crois, toute la différence. Cet autre article devrait vous plaire : https://www.projet-voltaire.fr/nos-coups-de-coeur/relations-anglais-francais/. Bon après-midi.