Comment nommer les premiers mots d’un discours ou d’une œuvre, ou encore les premiers moments d’un événement ? Plusieurs mots sont à notre disposition. Tous formés à partir du préfixe « pré- » (ou « pro- ») – du latin præ signifiant « (en) avant, devant » –, ils sont très proches par le sens, avec tout de même quelques petites nuances. Mais cessons là les prolégomènes et commençons les présentations !
1- Préambule
Le nom masculin « préambule » est formé à partir du latin praeambulum, où l’on reconnaît le verbe ambulare, « aller et venir », qui a donné « déambuler ». « Préambule » signifie littéralement « ce qui marche devant, ce qui précède ».
Le préambule, c’est l’introduction d’une constitution, d’un traité, d’une loi, et plus généralement d’un discours ou d’un écrit. On y expose les motifs et les buts, les intentions.
Le préambule d’une constitution, notamment, est un texte d’une grande valeur, car il proclame solennellement des principes fondamentaux, des droits et des libertés.
Au figuré, le préambule désigne ce qui précède, prépare ou annonce un acte ou un événement.Exemple :Ces grèves sont le préambule d’une crise plus grave.
Enfin, ce nom sert à former l’expression « sans préambule », qui signifie « sans préparation », « de but en blanc ». Exemple : passer sans préambule du rire aux larmes.
2- Préface
« Préface », du latin praefatio, est un nom féminin, toujours composé de « pré- », mais aussi du verbe latin fari, qui signifie « parler, dire ». Étymologiquement, il s’agit donc de « parler d’abord d’une chose », « de dire avant, de dire préalablement ».
La préface est le texte placé en tête d’un livre, et qui sert à présenter et à recommander l’ouvrage au lecteur. La préface peut constituer une œuvre originale à part entière.
Ainsi, certaines préfaces d’ouvrages sont très célèbres (quitte à voler parfois la vedette au livre lui-même !). C’est le cas de la préface de Cromwell de Victor Hugo, qui prône un renouvellement radical des pratiques théâtrales, ou de celle de Mademoiselle de Maupin de Théophile Gautier, considéré comme un manifeste de la théorie de « l’art pour l’art ».
Ces précédents confèrent à la préface une dimension plus remarquable qu’une introduction « classique ».
À l’instar de « préambule », « préface » s’emploie parfois pour désigner ce qui précède, annonce, prépare quelque chose. Exemple : Cette manifestation fut une préface aux émeutes.
Sur « préface » s’est formé le verbe « préfacer » : « écrire une préface, un texte introductif de présentation ». La préface est généralement écrite par une autre personne que l’auteur, et qui bénéficie d’une forte notoriété, ce qui la distingue du préambule, dont se charge habituellement l’auteur.
3- Prélude
La préface est à la littérature ce que le prélude est à la musique ! L’étymologie est de nouveau très éclairante. « Prélude » est issu du latin praeludium,de praeludere, où l’on reconnaîtle verbe ludere, « jouer ». Il s’agit donc de « jouer avant », de « se préparer à jouer ».
Conformément à cette origine, le prélude désigne d’abord les premières notes jouées ou chantées par un musicien avant une représentation. Un échauffement, en quelque sorte ! Puis, le prélude est monté en gamme pour devenir la pièce instrumentale jouée en introduction d’une autre.
C’est au XIXe siècle qu’il devient une pièce musicale à part entière, de forme libre, brève et expressive. Les plus grands musiciens lui attribueront leurs meilleures notes : les Préludes de Bach, de Chopin, de Liszt, de Debussy…
De la même manière que « préambule » et « préface », « prélude » désigne également, au sens figuré, ce qui précède, annonce, prépare quelque chose. Exemple :Cette mesure n’est qu’un prélude à de nouvelles restrictions.
Comme « préface », « prélude » a son verbe, quoique plus rare : « préluder », c’est-à-dire « précéder un fait, un événement de plus grande importance, en le préparant, en l’annonçant ». Exemple : une conversation qui prélude à une rencontre au sommet.
4- Préliminaire
Le nom masculin « préliminaire » comporte lui aussi le préfixe « pré- » et l’adjectif latin liminaris, « relatif au seuil, initial », du nom limen, liminis, « seuil », « entrée ».
Conformément à son étymologie, « préliminaire » est d’abord un adjectif signifiant « qui précède et prépare l’objet principal, le fait essentiel ». Exemple : des entretiens préliminaires.
Il peut également être un nom masculin pluriel signifiant de la même façon « ce qui précède, annonce un acte, un événement plus important ».
Il faut admettre qu’en tant que nom pluriel, et sans plus de contexte, « les préliminaires » se réfèrent spécialement aux préliminaires amoureux, l’ensemble des caresses précédant l’accomplissement de l’acte charnel.
On est alors bien loin du sens de « préliminaires » en droit international : « ensemble des négociations qui précèdent et préparent un accord, un traité ». Exemple : des préliminaires de paix. Sauf, bien sûr, à considérer l’adage « faites l’amour, pas la guerre » !
5- Prologue
Le même préfixe « pré- », mais sous la forme « pro- » : voilà « prologue », qui clôt notre inventaire. On y reconnaît le nom grec logos,qui signifie « parole, discours ». Le prologue se trouve donc « avant le discours ».
Sans surprise, il est de nouveau question d’un texte ou d’un discours introductif. Mais le prologue s’applique plus spécifiquement à une œuvre narrative, qu’il s’agisse de littérature (le prologue de Gargantua de Rabelais) ou de théâtre (le prologue du Malade imaginaire de Molière, lequel fait l’éloge de Louis XIV). Il désigne alors la première partie qui expose les événements antérieurs à l’action proprement dite. Les Anglais diraient previously… (précédemment…) !
Il a le même sens figuré que ses homologues : ce qui constitue l’« amorce » (allez, hop, un autre synonyme !) d’une série d’événements et en annonce la suite. On parlera ainsi d’« un prologue sanglant à des troubles ». Vous aurez remarqué que les exemples proposés dans les dictionnaires sont tous un peu fatalistes… Heureusement, une acception propre au « prologue » redonne quelque peu espoir. Le prologue désigne, en cyclisme, la première épreuve (ou épreuve liminaire !) d’une course à étapes. D’où « le prologue du Tour de France ».
Le prologue a pour antonyme « épilogue » (conclusion d’un ouvrage littéraire et, plus largement, ce qui termine, conclut une action longue et embrouillée) et pour homophone « Prolog » qui, lui, désigne un « langage de programmation logique » et relève du domaine de l’informatique et de l’intelligence artificielle, bien éloigné de la littérature ou du théâtre classiques !
Sandrine Campese