Observateur de l’usage de la langue française, le Projet Voltaire remarque, depuis peu, la généralisation d’erreurs qui jusque-là semblaient très rares. Leur point commun ? Une confusion entre la nature des mots et leur fonction grammaticale. Il est vrai qu’il y a de quoi s’emmêler les pinceaux ! Sans plus attendre, passons en revue cinq de ces « nouvelles erreurs » afin de réviser toutes ces notions.
Erreur n° 1 : Conjuguer un nom comme un verbe
Certains noms se retrouvent conjugués bien malgré eux. C’est généralement la proximité du nom avec un verbe conjugué qui va induire en erreur.
Ainsi avons-nous rencontré la phrase « Les recherchent se poursuivent ». Corrigeons-la sans plus tarder, il faut bien entendu écrire « Les recherches se poursuivent ».
En effet, en français, la plupart des noms forment leur pluriel par l’ajout d’un « –s » final, plus rarement d’un « –x ». Au pluriel, « recherche » donne « recherches ». Ici, c’est le sujet de la phrase.
Quant au verbe « (se) poursuivre », il se conjugue avec le sujet « les recherches », à la 3e personne du pluriel du présent de l’indicatif, par l’ajout de la terminaison –ent, d’où « se poursuivent ».
Autre exemple de cette erreur : « les scientifiquent cherchent ». Ici, il y a probablement eu une confusion entre le nom et le verbe qui le suit immédiatement.
Erreur n°2 : Conjuguer un adjectif comme un verbe
Ce que l’on remarque à propos des noms est aussi valable pour les adjectifs. Il n’est pas rare que ces derniers se rencontrent aussi conjugués comme des verbes.
Or, un adjectif ne se conjugue pas, il s’accorde ! Plus précisément, il s’accorde en genre et en nombre avec le nom qu’il qualifie.
L’erreur suivante provient du journal municipal d’une commune française. Un des articles titrait : « Les habitants sévèrent avec leur ville », là où il aurait fallu lire « Les habitants sévères avec leur ville ».
Cette confusion est-elle due à l’ellipse du verbe être ? La phrase « Les habitants sont sévères avec leur ville… » aurait peut-être été bien orthographiée.
En effet, deux verbes conjugués côte à côte auraient immédiatement attiré l’œil, alors qu’ici, le sujet « les habitants » pourrait appeler directement un verbe conjugué, et non un adjectif.
Autre exemple de cette erreur : « Disparition de Lina, 15 ans : trois voitures suspectent… ». Si le verbe « suspecter » existe, il s’agit ici d’une erreur. Il aurait fallu écrire « trois voitures suspectes ».
Erreur n° 3 – Accorder un verbe comme un participe passé
Nous l’avons vu, un verbe se conjugue, et pourtant, on peut avoir envie de l’accorder comme un participe passé.
Un internaute posait récemment la question de savoir s’il fallait écrire « La perte que tu subie », en accordant « subi » avec le COD « perte », au féminin singulier. C’est certainement la présence de « que » qui l’induisait en erreur.
Sauf qu’ici, il n’y a pas de participe passé, et pour cause, il n’y a pas de temps composé : le verbe est conjugué au présent de l’indicatif.
Il faut donc écrire : « La perte que tu subis ». « Subir » se conjugue à la 2e personne du singulier du présent de l’indicatif. Peu importe que le COD « perte » soit placé avant, puisqu’il n’y a aucun participe passé à accorder !
Au passé, en revanche, on écrirait bien « La perte que tu as subie ».
Erreur n°4 : Prendre un sujet pour un COD
Un internaute se demandait s’il fallait écrire « C’est une start-up qui a créée un réseau social » ou « C’est une start-up qui a créé un réseau social ».
Accorder le participe passé « créé » au féminin singulier avec « start-up » (ce qui donne « créée ») revient à considérer que « start-up » est un COD placé avant le verbe.
Or, ici, « start-up » n’est pas COD, c’est le sujet du verbe « créer » ! La tournure empathique « c’est… qui » ne doit pas nous troubler. D’ailleurs, on peut la supprimer mentalement : « Une start-up a créé un réseau social ».
Le participe passé est employé avec l’auxiliaire avoir (« a »). Or, on n’accorde jamais un participe passé employé avec « avoir » avec le sujet !
Revoir notre règle : « Elle a chanté » ou « elle a chantée » ? L’accord du participe passé avec l’auxiliaire avoir
En revanche, bien sûr, on accorde le participe avec le COD placé avant lui. Exemple : « La marque que la start-up a créée ». Mais ici le COD, « réseau social » est bien placé après. Voilà pourquoi on écrit « C’est une start-up qui a créé un réseau social ».
Revoir notre règle : « Les pommes que j’ai mangé » ou « les pommes que j’ai mangées » ?
Erreur n° 5 : Prendre un verbe pour un participe passé
Dernière erreur de notre inventaire, celle contenue dans la phrase « Un parcours qui les privilégient ». Corrigeons-la : « Un parcours qui les privilégie ».
Pourquoi le verbe « privilégier » est-il conjugué au pluriel alors que le sujet, « parcours », est au singulier ?
Ici, c’est la présence du pronom « les » qui met sur une mauvaise piste. Il est bien COD (« Un parcours qui privilégie qui ? », « les »), mais, comme pour l’erreur n°3, il n’y a ici aucun participe passé à accorder, puisque nous sommes au temps présent !
L’erreur consiste donc, faute d’avoir un participe passé à accorder, à vouloir mettre la marque du pluriel au verbe, en lui ajoutant la terminaison –ent.
Un conseil en guise de conclusion. De peur de « rater » un accord et de faire une faute, on a tendance à accorder ou à conjuguer tout ce qui nous tombe sous la main. Pas de précipitation !
Prenons le temps de décortiquer la phrase, de distinguer le nom, l’adjectif, le verbe, le participe passé, de repérer le sujet et le COD… Sans rentrer dans une analyse grammaticale poussée, c’est le b.a-ba pour limiter les erreurs et gagner en sérénité !
Pour réviser :
- 5 minutes pour réviser : le nom
- 5 minutes pour réviser : le verbe
- 5 minutes pour réviser : le COD et le COI
- 5 minutes pour réviser : l’auxiliaire et le participe passé
Sandrine Campese
Félicitations !
C’est gentil de nous féliciter, félicitations à vous, cher Victor, d’avoir lu notre article ! 😉 Bonne soirée.