En période de froid, nul ne songerait à sortir sans un manteau bien chaud. Mais qui pourrait soupçonner que ce nom, que ce soit dans sa forme latine (cappa) ou en ancien français (mantel), a servi à former plusieurs autres mots que nous employons tout aussi fréquemment ?
CHAPELLE
À l’origine, cappa désignait le manteau à capuchon de Martin de Tours… ou plutôt son demi-manteau, car le futur saint Martin en avait donné la moitié à un mendiant mourant de froid.
Désormais élevée au rang de relique, la « cape » ou la « chape » de saint Martin fut conservée dans un bâtiment érigé à cet effet que l’on nomma… « chapelle ».
La « chapelle » n’est donc pas, à l’origine, une petite église, mais bien l’endroit où l’on gardait la « c(h)ape » du saint qui était emportée lors des batailles et portée en bannière.
A CAPPELLA
Le nom d’origine italienne cappella dérive encore plus clairement du latin cappa. Toutefois, la chapelle susnommée a évidemment joué un rôle dans l’évolution sémantique de ce mot.
En effet, la locution a cappella désignait d’abord… une musique d’église ! Elle s’applique désormais à un chant interprété sans accompagnement musical, d’où « chanter a cappella ».
Voilà comment l’on est passé de l’habillement (cape/chape) à la chanson (a cappella), en passant par un lieu religieux (chapelle) !
Faut-il mettre un accent grave sur le « a » d’a cappella ? C’est ce qui est préconisé depuis 1990, au motif que les mots d’origine étrangère (ici, italienne) doivent suivre les mêmes règles d’accord et d’accentuation que les mots français. On peut donc écrire a cappella et à cappella.
(S)’ÉCHAPPER
C’est le verbe latin excappare qui a formé notre verbe français « échapper ». Il signifie « sortir (ex-) de la chape (cappa) ». Littéralement donc, « s’échapper » revient à « laisser seulement son manteau aux mains du poursuivant ».
On imagine aisément le poursuivant croyant se saisir du bras d’un fuyard et se retrouvant avec une manche « molle », puis la totalité du manteau dans sa main. Une pareille scène retranscrirait à la lettre l’étymologie du verbe « s’échapper » !
Le verbe « s’échapper »est un verbe pronominal autonome. Le participe passé des verbes pronominaux autonomes s’accorde en genre et en nombre avec le sujet. On écrit : « Elle s’est échappée », « Ils se sont échappés. »
À lire sur notre blog : Verbes pronominaux autonomes : de quoi s’agit-il ?
ÉCHAPPATOIRE
Le nom « échappatoire » s’est d’abord écrit eschapatoire, avant qu’au XVIe siècle, le « s » ne soit remplacé par un accent aigu et qu’un « p » ne soit ajouté, pour renouer de près avec la racine latine excappare.
DÉMANTELER
Avant le XVIIe siècle, il existait déjà un verbe, « emmanteler », qui signifiait, au sens propre, « couvrir d’un manteau ». En effet, en ancien français, « manteau » se disait et s’écrivait « mantel » (tout comme « marteau », « martel »). Le verbe « emmanteler » avait également un sens figuré : « entourer d’une enceinte fortifiée ».
Sur ce verbe, certainement par imitation de modèles comme « empêcher »/« dépêcher », s’est formé son contraire, « démanteler », c’est-à-dire « ôter le manteau » puis, au XVIe siècle, « abattre les remparts d’une ville ». Au XIXe siècle, le verbe a pris le sens plus large de « détruire un ensemble organisé ».
D’après Émile Littré, « C’est une métaphore ingénieuse d’avoir comparé les remparts qui défendent une ville au manteau qui défend l’homme des intempéries ». Le sévère lexicographe du XIXe siècle qualifie même ce néologisme (nouveau à son époque) de « bon » !
Attention, « démantibuler » n’a rien à voir avec le manteau, mais bien avec la mandibule, puisqu’il signifie littéralement « rompre la mâchoire de quelqu’un ».
Sandrine Campese