Grève, grève, grève… Il y a des jours où tout le monde a ce mot à la bouche. Critiquée, redoutée par les uns ; menée, soutenue par les autres, la grève, surtout quand elle touche les transports, nous laisse rarement indifférents. En attendant de trouver un plan B permettant de se déplacer en ces jours perturbés, rien de tel qu’un peu de lecture pour (re)découvrir l’origine et le sens du nom grève, ainsi que quelques expressions dans lesquelles il entre en action.
À l’origine, une plage de sables et de graviers
Le nom grève vient du latin populaire grava qui signifie « gravier ». En effet, au sens propre, la grève est un terrain plat formé de sables, de graviers, situé au bord de la mer ou d’un cours d’eau. Le terme est d’ailleurs employé par de nombreux auteurs, notamment en poésie : « J’avais pris l’habitude d’aller les soirs m’asseoir sur la grève… » (Rousseau), « À l’extrémité d’une côte dangereuse, sur une grève… » (Chateaubriand), « La mer qui vient dormir sur la grève argentée… » (Lamartine), « … la grève livide à nos pieds » (Camus).
C’est conformément à ce sens originel qu’on a nommé « Place de Grève » la place de Paris située au bord de la Seine qui, en 1803, deviendra la place de l’Hôtel-de-Ville.
Cette place est restée tristement célèbre dans l’Histoire pour avoir accueilli, au Moyen Âge, les exécutions publiques. Dans Notre-Dame de Paris, Victor Hugo en parle en ces termes : « La Grève avait dès lors cet aspect sinistre (…). Il faut dire qu’un gibet et un pilori permanents, une justice et une échelle, comme on disait alors, dressés côte à côte au milieu du pavé, ne contribuaient pas peu à faire détourner les yeux de cette place fatale, où tant d’êtres pleins de santé et de vie ont agonisé (…). » C’est aussi sur cette place que la guillotine sera installée, en 1792, tranchant ses premières têtes…
Faire grève : un contresens étymologique ?
Retournons sur le quai de la Grève, devenu « quai de l’Hôtel-de-Ville ». Avant qu’il ne soit pavé, cet endroit était réellement une grève, une plage de sables et de graviers, d’où il était facile de décharger des marchandises arrivant par la Seine.
Dans le but de pouvoir vendre ces marchandises tout droit sorties du bateau, un marché ouvert au public se développe sur la place. Outre les acheteurs, des hommes sans emploi s’y rendent afin de trouver facilement du travail. Voilà comment on est arrivés à l’expression « faire grève » ! Mais attention, au départ, elle voulait simplement dire que l’on se tenait sur la place de Grève en attendant du travail. Le sens était donc positif. Puis, par glissement, elle a évolué vers le sens qu’on lui connaît aujourd’hui, à savoir la « cessation collective et concertée du travail en vue d’appuyer des revendications professionnelles ».
Une grève ? Non, des grèves !
Outre « faire la grève » ou « se mettre en grève », on relève quantité d’expressions voisines dont on ne distingue pas toujours le sens précis. Ainsi, tenir un piquet de grève est une forme de grève au cours de laquelle des grévistes se réunissent à l’intérieur et aux alentours du lieu de travail, dans le but de dissuader, voire d’empêcher les travailleurs non grévistes d’aller travailler.
Il y a également différents types de grève. La grève du zèle, d’apparence antithétique, n’en reste pas moins « bloquante » : c’est l’application méticuleuse de toutes les consignes de travail, en vue de bloquer toute activité. À ne pas confondre avec la grève japonaise, laquelle n’est pas réellement une grève au sens où nous l’entendons puisque les employés japonais expriment leur mécontentement par le port d’un brassard durant les heures de travail ! La grève perlée est également plus « douce » : c’est le ralentissement volontaire du rythme d’activité sans cesser officiellement le travail. En outre, la grève peut être tournante, c’est-à-dire qu’elle atteint tour à tour divers secteurs d’une même branche professionnelle. Enfin, la grève sauvage est à distinguer de la grève surprise : si la première éclate spontanément en dehors de toute consigne syndicale, la seconde n’est pas précédée d’un préavis.
Quoi qu’il en soit, connaître le début d’une grève est nécessaire afin de l’anticiper et de s’y adapter. En revanche, la durée et l’ampleur restent bien souvent énigmatiques…
Sandrine Campese
Les définitions sont tirées du Larousse en ligne et du Grand Robert de la langue française.
Pourquoi qualifiez-vous l’expression « grève du zèle » de « pléonastique », elle me paraît plutôt antithétique ?
Bonjour Antigone, vous avez raison, c’est bien antithétique et non pléonastique que je voulais indiquer. C’est corrigé. Merci de votre lecture attentive et bon après-midi.