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« Participer de » au lieu de « participer à », l’oubli de l’accord au féminin… 5 erreurs courantes dans les médias

Depuis que la radio et la télévision sont entrées dans nos vies, les prises de parole médiatiques ont été révélatrices de l’état et de l’évolution de notre langue. Les archives de l’INA, notamment, permettent de s’en faire une idée. Au Projet Voltaire, nous sommes évidemment sensibles aux tendances en matière orthographique et grammaticale. Depuis quelques années, nous observons une surreprésentation de certaines erreurs, tandis que d’autres semblent avoir été corrigées. Découvrons lesquelles.

1- « aéropage » au lieu de « aréopage »

Tendez l’oreille : ce mot est quasi systématiquement écorché quand il est employé dans les médias, notamment par les journalistes et les politiques. Exemple : « Durant la crise sanitaire, le Président a pris conseil auprès d’un aéropage de médecins et de scientifiques.» Alors qu’il faudrait entendre « aréopage » !

Loin de nous l’idée de leur jeter la pierre : si leur langue fourche, c’est parce qu’un certain nombre de mots de la langue française commencent par l’élément « aéro- », qui signifie « relatif à l’air ». Exemples : aérobic, aérodrome, aérodynamique, aérophagie, aérosol… Sans oublier le plus courant… aéroport !

Ce mot (et peut-être aussi « aéroplane ») explique peut-être l’erreur : on a le réflexe d’écrire « aéropage » et « aréopage », alors que ce mot n’a rien à voir avec l’air. Il est issu du nom du dieu grec de la guerre, Arès. En effet, c’est sur la colline d’Arès qu’était situé le tribunal mythologique nommé « aréopage ». D’où, de nos jours, le sens parfois ironique de « assemblée de savants, de personnes compétentes ».

C’est à se demander si, ce barbarisme devenant fréquent dans l’usage (même s’il fait fi de l’étymologie), les dictionnaires n’accepteront pas un jour les deux graphies, « aréopage » et « aéropage », et si la seconde ne finira pas par chasser la première.

Maîtrisez-vous bien la règle ? « Un aréopage » ou « un aéropage » ?

2- « dénoter » au lieu de « détonner »

Deuxième erreur lexicale très courante : dire « dénoter » au lieu de « détonner ».

Exemple : « Cette sculpture contemporaine dénote devant ce bâtiment ancien. » Ce qu’il faut dire ici, c’est « détonne », qui signifie littéralement « sortir du ton » (d’abord en musique), puis « contraster », voire « jurer ».

« Dénoter » existe, bien entendu, mais dans un tout autre sens : « indiquer, désigner par une caractéristique ». Exemple : « Le vote des Français dénote-t-il une volonté de changement ? ».

Quand on distinguerait correctement ces verbes, encore ne faudrait-il pas se tromper dans leur orthographe. « Détonner » s’écrit ici avec deux « n », contrairement à son homophone « détoner », avec un seul « n », qui signifie « exploser avec un bruit violent » ; de même : « détonation ».

Maîtrisez-vous bien la règle ? « détoner » ou « détonner » ? « détonant » ou « détonnant » ?

3- « participer à » au lieu de « participer de »

Ici aussi, les deux constructions existent, mais n’ont pas du tout le même sens.

Or, depuis quelques années, certainement dans un souci d’hypercorrection, on entend de plus en plus les journalistes et les politiques dire « participer de » là où « participer à » convient la plupart du temps.

Rappelons la distinction entre les deux.

« Participer à », c’est « prendre part à » quelque chose. Exemple : « participer à une réunion », « participer aux frais ».

« Participer de » signifie « tenir de », « présenter une similitude avec » ou encore « relever de », suivant les cas.

Exemple : « Cette fête participe des plus anciennes traditions populaires. » « Un de ces petits commerces qui participent de l’épicerie, de la mercerie, du bazar » (J. Romains).

Faisant fi de cette distinction, de plus en plus nombreux sont ceux qui disent, par exemple : « Cette nouvelle assemblée participe du renouveau de la vie politique française. », alors que c’est « participer au renouveau » qui convient ici.

4- « L’oubli » de l’accord au féminin

Dans une ère où le souci de représentativité de la femme est fort – jusque dans la langue avec la féminisation des noms de métiers, l’écriture inclusive… – comment expliquer que l’une des règles de base, l’accord du participe passé au féminin, se perde à ce point ?

Car cette tendance est manifeste, pas seulement pas dans les médias, mais aussi dans les prises de parole de tous les jours.

C’est souvent le cas quand le participe passé s’accorde avec le COD placé avant le verbe. Exemple : « La décision que j’ai pris. », « La proposition qu’elle a fait. », « Les garanties que nous avons offert. » Sachant qu’à l’écrit la règle n’est pas la plus simple à maîtriser, il semble assez logique que l’erreur se retrouve à l’oral.

Dès lors, il ne sert plus à grand-chose, pour savoir s’il faut accorder un participe passé en « é » au féminin, de donner comme astuce le remplacement par un participe passé « sonore » (comme prise ou faite), puisque ce dernier n’est plus systématiquement féminisé dans l’usage.

De plus, l’accord est aussi oublié avec l’auxiliaire être, généralement à la forme pronominale. Exemple : « Elle s’est mis au travail », prononcé sans la liaison, car les liaisons – qui naguère pouvaient donner « l’illusion de l’accord » se perdent également. La preuve dans « deux euros » ou « vingt euros » prononcés « deu – euros », « vin – euros », alors que l’on dit bien « deux-ans », « vingt-ans ».

À l’inverse, certains participes passés se retrouvent à tort accordés au féminin. Exemples : « Elle s’est faite avoir. », « Elle s’est permise de »… alors que les tournures correctes sont « Elle s’est fait avoir. » (suivi d’un infinitif, le participe passé fait est invariable) et « Elle s’est permis de… » (le pronom « s’ » mis pour « se » est ici complément d’objet indirect, COI, or le participe passé, ici « permis », ne s’accorde jamais avec un COI).

Maîtrisez-vous bien la règle ? « les pommes que j’ai mangé » ou « les pommes que j’ai mangées » ?

5- La double interrogation

« Est-ce que cette décision va-t-elle changer l’avenir de l’entreprise ? »

Pourquoi cette tournure, que l’on entend de plus en plus souvent, est-elle fautive ? Parce que, pour exprimer une interrogation, on a le choix entre :

– inverser le sujet et le verbe (forme la plus littéraire, élégante) : « Cette décision va-t-elle changer l’avenir de l’entreprise ? »

– utiliser « est-ce que » en début de phrase, sans inverser le sujet et le verbe : « Est-ce que cette décision va changer l’avenir de l’entreprise ? »

– éventuellement, on peut conserver la forme affirmative en mettant le ton interrogatif (dans la langue orale) : « Cette décision va changer l’avenir de l’entreprise ? ».

Quoi qu’il en soit, on ne peut pas cumuler deux marqueurs interrogatifs au sein d’une même interrogation.

***

À l’inverse, les deux erreurs suivantes, que l’on entendait aussi depuis une vingtaine d’années, semblent être moins fréquentes dans les médias :

– « pallier à » : De plus en plus souvent, le verbe pallier est construit correctement. Exemple : « Pour pallier le manque de moyens dans l’Éducation nationale… » et non « Pour pallier au manque de moyens… ». Pour rappel, le verbe pallier est transitif direct : il se construit avec un complément d’objet direct (ici, « le manque de moyens »), donc sans la préposition « à » (laquelle introduit un complément d’objet indirect, COI).

Maîtrisez-vous bien la règle ? : « pallier » ou « pallier à » ?

– « après que + subjonctif » : Aussi surprenant que cela puisse paraître, on entend de plus en plus souvent « après que » suivi d’un verbe à l’indicatif, qui est la tournure correcte. « Après qu’il a démissionné… » alors que la formule fautive « Après qu’il ait démissionné » semblait être devenue la règle ! En effet, si « avant que » appelle le subjonctif (mode de l’action encore non réalisée, puisqu’on se trouve « avant »), « après que » appelle l’indicatif, mode de l’action réelle (ou présentée comme telle). En ce sens, il s’aligne sur le modèle de « dès que ». Pour s’en assurer, on peut d’ailleurs remplacer « après que » par « dès que ». « Dès qu’il a démissionné… » : c’est bien l’indicatif qui convient !

Maîtrisez-vous bien la règle « après qu’il a » ou « après qu’il ait » ?


Sandrine Campese

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