L’Alliance française de Genève lance la Certification Voltaire en Suisse en organisant une session par mois à Genève. La première a eu lieu le 31 janvier 2011. Pour s’inscrire à cette certification d’orthographe, il suffit d’aller sur le site suisse de la Certification Voltaire : http://www.certification-voltaire.ch
Chrystel GIROD, présidente de l’Alliance française de Genève et Chevalier dans l’Ordre des Palmes académiques, a accordé un entretien pour expliquer la démarche.
Cet entretien a été réalisé mercredi 19 janvier 2011 par Arnaud Talaia.
Il est publié avec l’aimable autorisation de l’Alliance française de Genève.
Des cours de français pour francophones, c’est nouveau ?
En quelque sorte, oui. Pour simplifier un peu, disons que jusqu’à aujourd’hui, lorsqu’ils quittaient la vie scolaire, les francophones qui souhaitaient conserver au mieux leurs acquis ou améliorer leurs connaissances en français étaient livrés à eux-mêmes, sauf s’ils s’étaient orientés vers des études de lettres. Pour celui ou celle désirant consolider ou parfaire son français en vue d’un emploi, un francophone devait souvent s’inscrire à des cours de français supérieur pour étranger ! Aujourd’hui nous voulons offrir aux francophones les ressources nécessaires à l’entretien, à l’amélioration, au perfectionnement de la langue française en milieu francophone.
Et c’est le rôle de l’Alliance française ?
C’est dans la mission originelle de l’Alliance française d’attendre des étudiants étrangers qu’ils deviennent ses ambassadeurs. Il serait merveilleux que les personnes francophones suivent également cette voie. Lorsque l’on corrige des écrits de francophones diplômés, on a tout de suite une vision plus concrète de la situation de la langue et de l’ampleur de la tâche à effectuer (il y a tant de fautes !). Lors d’un entretien à l’occasion du sommet de la Francophonie à Montreux, j’avais émis l’idée suivante : « Et si nous avions l’audace de proposer que les francophones soient aussi ambassadeurs de la langue française ? » L’Alliance française dont la mission est de promouvoir le français et la culture francophone pourrait mener ce projet à bien.
Comment avez-vous eu vent de la Certification Voltaire ?
Il y a 3 ans, j’ai pensé à un concours d’orthographe. Mais à la différence de la formidable « Dictée de Pivot », je voulais créer un concours qui ferait la distinction entre les fautes de grammaire et les fautes lexicales. Aux parents qui me disent « peu importe les fautes que font les jeunes, une faute est une faute », je leur réponds « ce n’est pas tout à fait exact : la dictée est essentiellement un exercice spatial dont l’objet est la correspondance des mots entre eux. Pour ce qui est des mots difficiles, des obsolètes, des archaïsmes, il suffit souvent d’apprendre par cœur l’orthographe du mot (sauf si étymologie) ».
Ayant finalement décidé de lancer ce concours d’orthographe en 2011, et désireuse de ne pas « réinventer la roue », je suis allée visiter Internet et s’est présentée la Certification Voltaire. Cela n’avait pas grand chose à voir avec l’idée du concours, mais cela pouvait lui apporter de la force.
Aujourd’hui le concours est lancé, il se nomme « Au delà des Mots » et la première édition aura lieu les 21, 22, 23, 24 et 25 mars 2011 (voir le site internet dès mi-février : www.alliancefrancaise.ch/geneve).
La première session de la Certification Voltaire aura lieu quant à elle le 31 janvier (voir site internet ci-dessus)
Quel est l’état du français en Suisse romande, que constatez-vous ?
Concernant l’orthographe, les problèmes sont les mêmes qu’en France. Il y a peu encore, on était gêné de commettre des fautes d’orthographe. L’orthographe avait un rôle élitiste. Les gens qui avaient des difficultés consultaient leurs dictionnaires, leur Bescherelle, on se relisait plus souvent (voire on demandait à quelqu’un de nous relire). Aujourd’hui les personnes sont décomplexées face à leur langue. L’outil SMS apporte à l’écriture un nouveau modèle : « Le parlécrire » qui semble décomplexer les locuteurs. Une question se pose cependant : aurait-il également détruit « l’ascenseur social » représenté par l’écriture correcte ?
A la tête des entreprises, des Directeurs des Ressources Humaines se retrouvent face à une génération de jeunes couverts de diplômes mais dont l’orthographe est en bien mauvaise santé. La demande est supérieure à l’offre des emplois, ces directeurs ne se privent pas de faire une sélection ! Les jeunes (et certains moins jeunes) doivent en prendre conscience : ils ne peuvent plus se cacher derrière leur correcteur d’orthographe qui ne peut les aider que pour ce qui est du lexique. En effet, écrire « fût » à la place de « fut » ne sera pas repris par un correcteur d’orthographe et l’auteur pensera n’avoir commis aucune erreur…
Qui se plaint le plus du niveau du français : les parents ? Le corps enseignant ? Les entreprises ?
Tous. Il n’y a pas de hiérarchie, pas de degrés. Tout le monde s’accorde sur une perte de l’écriture. Pas uniquement en orthographe, mais aussi de vocabulaire. On lit des écrits « bombardés » d’adjectifs et d’adverbes par manque de synonymes : ex. on est « carrément capable », « très capable », « plutôt capable », etc. A l’oral, l’on retrouve ces mêmes difficultés.
Les Suisses romands entretiennent parfois un complexe face aux Français de France sur leur niveau de langue. Ont-ils raison de se faire du souci ?
Je ne parlerai pas d’un complexe au niveau de la langue mais peut-être parfois (et encore rarement) d’un complexe de culture. La France est toujours représentée par son « Siècle des Lumières » et cela est dans les esprits de beaucoup. D’où l’idée de certains d’une « supériorité » qui aujourd’hui n’a aucune raison d’être, le savoir a dépassé les frontières depuis longtemps.
Je pense que les résultats de la Certification pourront prouver positivement que les Suisses romands sont, notamment, égaux en force d’orthographe avec les Français.
Vous croyez ?
J’en suis persuadée. Le diplôme des hautes études françaises créé par l’Alliance française (diplôme disparu en 2009 et ouvert à tous) en est un bon exemple. Alors même que sur 20 candidats, la proportion d’inscriptions était de 10 candidats de langue maternelle française pour 10 candidats de langue maternelle étrangère (dont 3 Suisses), nos meilleurs résultats provenaient systématiquement des personnes de langue maternelle étrangère.
Vous avez participé récemment au sommet de la Francophonie à Montreux. La Francophonie a-t-elle besoin d’être soutenue ?
Il faut toujours soutenir la défense de la Culture peu importe qu’elle soit francophone, espagnole, japonaise, anglaise, ou autre. Nos amis anglais soutiennent aussi la culture anglaise face au « globish ».
Vous-même, utilisez-vous le correcteur d’orthographe sur votre ordinateur ?
Avant tout, je me relis. Automatiquement avant un envoi j’utilise le correcteur afin d’éviter d’envoyer des « coquilles ». On parle bien ici de lexique et non de grammaire.
Peut-on dire que l’Alliance française de Genève est l’ambassadrice de la Certification Voltaire à Genève ?
Ce qui est certain est que nous sommes les premiers à proposer la Certification Voltaire à l’étranger. Les premiers à sortir la Certification de l’hexagone. Genève, en tant que plaque étrangère francophone de renommée mondiale est idéale pour cela.