La « réforme » de l’orthographe expliquée en 10 points

Le mois de février 2016 aura été marqué par l’annonce de l’application, à la rentrée prochaine, de rectifications orthographiques datant de 1990. Suite aux vives réactions provoquées par cette nouvelle, le Projet Voltaire a donné sa position et a fait réagir ses experts. Passé l’émotion, nous avons jugé utile de faire un tour d’horizon des principales modifications. Voici les 10 règles qui constituent la « nouvelle orthographe », laquelle, rappelons-le, ne se substitue pas à l’« orthographe traditionnelle ».

1- Les nombres composés

Avant, on ne mettait de trait d’union qu’entre les dizaines et les unités, sauf quand elles étaient liées par « et ». On peut désormais placer un trait d’union entre chacun des termes d’un nombre composé.

Exemples : cinquante-et-un, deux-cents, huit-cent-vingt-trois, quatre-mille-neuf-cent-douze, trente-et-unième, six-millièmes… On distingue ainsi soixante et un tiers (60 + 1/3) de soixante-et-un tiers (61/3).

2- Les mots composés

Pluriel :
Dans les noms composés « préposition + nom » ou « verbe + nom », le second élément prend systématiquement un « s » lorsque le mot est au pluriel. Exemples : un après-midi, des après-midis ; un porte-parole, des porte-paroles.

Soudure :
Certains mots composés (en particulier ceux contenant un préfixe, les onomatopées et les mots d’origine étrangère) peuvent s’écrire en un seul mot et sans trait d’union. Exemples : contrepiedentretempsextraterrestre, tictacweekend, portemonnaie (eh oui, comme portefeuille !)

3- Les mots empruntés

Ils s’accentuent et forment leur pluriel de la même manière que les mots français. Avant on écrivait un revolver, un senior, des sandwiches, des scenarii. Aujourd’hui, il est possible d’écrire un révolver, un sénior, des sandwichs, des scénarios.

Pas de panique, on ne vous demandera pas de dire un « raviolo » au lieu d’un ravioli !

4- L’accent grave

Afin que la graphie soit conforme à la prononciation, certains noms troquent leur accent aigu contre un accent grave. Sont également concernés les verbes qui, au futur et au conditionnel, se conjuguent sur le modèle de « céder », et les inversions du type « puissè-je ».

Exemples : évènement (sur le modèle d’avènement), règlementaire (comme règlement), nous cèderons, ils règleraient

5- L’accent circonflexe

Non, la « réforme » ne signe pas l’arrêt de mort de l’accent circonflexe ! Il est maintenu sur les voyelles « a », « e » et « o » et n’est plus obligatoire sur « i » et « u » sauf lorsque cela crée de la confusion.

On pourra donc s’en passer dans boite, buche, cout, maitresse, nous entrainons, il parait… Mais il reste indispensable pour distinguer , jeûne, mûr, sûr des homonymes du, jeune, mur, sur, et pour différencier certaines formes verbales : il fut (passé simple), qu’il fût (subjonctif imparfait) ; tu crois (verbe croire), tu croîs (verbe croitre).

6- Le tréma

Dans les mots comportant les syllabes -guë- et -guï-, le tréma est déplacé sur la voyelle « u » pour indiquer qu’elle se prononce. Là où l’on écrivait aiguë, ambiguë et ambiguïté, la nouvelle orthographe autorise aigüe, ambigüe et ambigüité.

En outre, le tréma est ajouté dans les mots suivants : argüer, gageüre, mangeüre, rongeüre, vergeüre… Plus de raison, donc, de dire [gajeure] au lieu de [gajure] !

7- Les verbes en -eler ou -eter

Ils se conjuguent sur le modèle de « peler » ou « acheter », c’est-à-dire avec un seul « l » et un seul « t ». Les noms dérivés en -ment suivent la même règle. Ne suivent pas la règle : appeler, jeter et leurs composés qui prennent deux « l » et deux « t ».

Exemples : je feuillète, elles renouvèlent, nivèlement, morcèlement… mais elle appelle, nous interpellerons, il jettera, vous projetterez

À noter que le verbe interpeler perd un « l » à l’infinitif, pour se conformer à la prononciation et au modèle « appeler ».

8- Les noms en -olle et les verbes en -otter

Ils peuvent désormais s’écrire avec un seul « l » ou un seul « t ». Ainsi, on pourra orthographier corolle, frisottis et mangeotter de la façon suivante : corole (comme bestiole), frisotis et mangeoter (comme neigeoter).

Exceptions : colle, folle, molle, botte, crotte et hotte

9- Les noms en -illier et -illière

Dans les noms suivants, le « i » suivant les deux « l » ne s’entend pas : joaillier, marguillier, quincaillier, serpillière.

La réforme propose de supprimer ce « i » muet et d’utiliser les terminaisons -iller et -illère, ce qui donne joailler, marguiller, quincailler, serpillère.

10- Laissé + infinitif

C’est la seule règle grammaticale concernée par la réforme ! Le participe passé de « laisser » suivi d’un infinitif peut rester invariable. On écrira, au choix : elle s’est laissée mourir ou elle s’est laissé mourir.

En revanche, pour « faire », pas d’hésitation possible : fait + infinitif était déjà invariable avant la réforme et le restera ! Exemple : Elle s’est fait prendre la main dans le sac.

Bonus : rectifications de quelques anomalies orthographiques

asseoir –> assoir, car le « e » ne se prononce pas
boursoufler –> boursouffler (cf. souffler)
bonhomie –> bonhommie (cf. homme)
combatif –> combattif (cf. combattre)
chariot –> charriot (cf. la racine latine carrus)
dessiller –> déciller (cf. cil)
dissous –> dissout (cf. le féminin dissoute)
imbécillité –> imbécilité (cf. imbécile)
oignon –> ognon car le « i » ne se prononce pas
persifler –> persiffler (cf. siffler)
relais –> relai (cf. balai et délai)
nénuphar –> nénufar (cf. l’origine persane nilufar) 

Sandrine Campese

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Bonjour. À propos de réforme, jJe me permets de vous faire part d’un point d’orthographe que personne ne semble vouloir modifier tant il semble évident, et pourtant… Le « u » qui suit toujours le « q » qui en fait donc une lettre double. On joute sans y penser ce petit « u » qui est pourtant totalement inutile. (On pourrait en profiter pour réhabiliter le presque défunt « Iraq »). D’ailleurs, la lettre « q » a-t-elle encore sa place depuis l’apparition du « k »? Mais là, ce n’est que pure digression.
Bonne journée.

      Précédé, ou succédé par ? Autrement, je ne rouve pas cette proposition pertinente car trop brutale, et surtout fait écho (et non éko au passage) au « lankage sms kikou » : « c ki » au lieu de « c’est qui ». Alors oui ça simolifie et rends plus logique, mais on perds au passage tout un tas de subtilité et de richesse qui font de la lange ce qu’elle est : probablement à de nombreux endroits que je n’ai pas en tête précisément ici… À voir, mais de prime abord ça ne me semble pas pertinent. Belle journée ! ?

        Bonsoir David, merci d’avoir donné votre avis. Comme vous le savez, ce n’est pas le Projet Voltaire qui décide des rectifications orthographiques. Nous ne faisons que les relayer et les expliciter. Quoi qu’il en soit, vous êtes toujours libre d’utiliser l’orthographe traditionnelle, qui reste en vigueur. Bonne soirée.

Merci pour cet article.
J’aurai du mal à écrire ognon!
Par contre par exemple pour le nom « Parasol » dont l’orthographe doit être issu de la fusion de « para » et « soleil » pour moi la logique de la lecture voudrais quand même qu’on écrive « parassol » …

    Bonjour Micheline, « Pourriez-vous s’il vous plaît me donner le pluriel de « nom » ? » est certainement ce que vous souhaitiez écrire :-). Il s’agit de « noms ». Mais je doute que ce soit réellement votre question. Sans plus de précision, je ne peux malheureusement pas vous répondre autre chose ! Bonne journée.

Bonjour, Est-il possible d’écrire ‘soul’, voire ‘saoûl’ et ‘saoul’ dans l’expression ‘Boire tout son soûl’ ? Merci pour tout ce que vous faites !

    Bonsoir Robert, trois orthographes possibles : « boire ton son saoul / soûl / soul » ! Si cela peut vous aider à choisir, Le Petit Robert l’emploie avec « soûl ». Bonne soirée.

Bonjour. On semble oublier un peu le nom des plantes. On écrit souvent la Benoîte [b?.n?at] (Geum sp.), comme s’il s’agissait de la versión féminine du prénom Benoît. Mais c’est en réalité la Bénoite [be.n?at] ?.
De toutes façons, à mon avis, la réforme orthographique ne rend pas l’écriture plus facile ; ça n’empêche pas d’être obligé(e) de réfléchir avant d’écrire.
Une bonne réforme aurait été de supprimer tous les diacritiques (accents et autres). L’anglais et le basque n’en possèdent pas et ils ne s’en portent pas plus mal. Enfin, le français n’est pas réformable sous peine d’être défigurer. En plus, les réformes sont une source de discutions inutiles. En résumé, je suis contre. Le français est très difficile ; c’est ce qui fait son charme. L’orthograghe du russe et du néerlandais ont été réformée, il est plus facile de les écrire… ce sont des langues phonétiques. L’espagnol, qui en est une aussi, a supprimé l’accent de quelques mots monosyllabiques comme /á/ (à). Maintenant on le confond avec /a/ (a/, forme du verbe avoir) et personne ne se plaint.

Une autre solution pour éviter les fracas scolaires serait d’enseigner le français dans les écoles et ne pas noter les résultats. Pas de notes, pas de redoublage !… pas de réforme non plus.

? Notez que j’écris [?a] au lieu de [wa] pour la diphtongue /oi/ car enréalité ce que l’on prononce c’est un /o/ semi-voyelle et non pas un [w] comme dans /ouate/. La semi-voyelle [?] existe aussi en roumain ou elle est notée [o?] comme dans le mot /foarte/ [fo?ar.te] (très). C’est valable aussi pour la diphtongue /oin/ [???] ; comparez /foin/ [f???] et /marsouin/ [ma?.sw??].
Eiffel.

Pour le (5) ,relatif à l’accent circonflexe,votre exemple de la boîte est faux .En effet ,le mot boite existe et signifie : soit (1) le degré ou le vin devient bon à boire ,soit (2) une piquette. Références: Dictionnaire pratique QUILLET de 1956 .J’ai trouvé ce contre-exemple (contrexemple ou contreéxemple …… ) hier, lors de recherches mathématiques!!! .Le confinement a donc montré quelque utilité pour la langue Française .En outre je suis contre la suppression de l’accent circonflexe pour deux raisons : (1) cet accent a été créer du fait que certains n’étaient plus prononcés dans le langage courant (forêt pour forest,hôpital pour hospital ….)alors que les termes »génériques »restaient:hostipaliser.., forestier…En gros, celui qui connait l’histoire de l’accent circonflexe,peut reconnaître une famille de mots s’y raccordant.(2)en anglais,environ un mot sur deux est d’origine française,environ un sur deux d’origine germanique (la troisième moitié, comme dirai Raimu ,d’origine celtique).Pour un même « concept »,en anglais il existe souvent deux termes pour l’ exprimer :l’un d’origine française ou latine ,l’autre d’origine germanique.La conservation de l’accent circonflexe permet aux anglais, étudiant le français ,de se repérer facilement s’ils connaissent cette règle(c’est un irlandais qui me la apprise!).Les mots anglais forest,hospital,isle correspondent en effet à forêt,hôpital et île.Supprimer l’accent circonflexe pénaliserai donc les anglophones dans leur apprentissage du français alors que l’on se plaint constamment de la perte de l’influence du français dans les échanges internationaux.

    Bonsoir Yvonne, non, l’exemple de « boîte » devenant « boite » n’est pas « faux »… C’est bien le mot au sens de « récipient de matière rigide (carton, bois, métal, plastique), facilement transportable, généralement muni d’un couvercle. » qui peut désormais s’écrire sans accent circonflexe. Le fait que le nom spécifique « boite », d’emploi vieilli et quasi disparu des dictionnaires s’écrive déjà sans accent circonflexe ne constitue pas une source de confusion. Bonne soirée.

Bonjour,
Il me semble qu’on ne met pas de trait d’union entre le numérateur et le dénominateur d’une fraction. Dans votre exemple ci-dessus vous avez écrit « six-millièmes » pour la fraction 6/1000. Est-ce correct ?

Une autre question ; est-ce qu’on met un trait d’union avec le mot millier ?

Merci.

Je fais du soutien auprès de quelques enfants. Certains me disent que leur prof est « contre  » toute forme de réforme et n’en tient pas compte ! Que faire ?? Continuer à leur faire apprendre ces listes d’exceptions des verbes en ETER et ELER par exemple !! Savez vous quelle est la position OFFICIELLE de l’éducation nationale ?

    Bonjour Christine, la position de l’Éducation nationale sur ce sujet semble assez floue. La seule chose que nous pouvons vous dire, c’est que l’orthographe traditionnelle reste bien évidemment valable et que l’orthographe réformée apparaît que une « variante ». Écrire dans l’une ou l’autre de ces orthographes ne saurait donc constituer une faute. Bonne journée.

Si cette réforme est bienvenue sur certains points, elle est somme toute inconsistante et parfois problématique. La disparition de l’accent circonflexe sur les « i » et les « u » sauf en cas d’homonymie signifie que l’étymologie n’est plus un critère pour les graphies actuelles ; pourtant, on le conserve pour les terminaisons du passé simple et du subjonctif. Si l’accent circonflexe peut-être diacritique pour le subjonctif (« il fit » / « qu’il fît »), il n’a en revanche aucune raison de se maintenir sur les passés simples (« vous fûtes » ne se confond avec rien…). C’est faire les choses à moitié et manquer de constance.

Non seulement les nouveaux usages concernant l’accent circonflexe sont tristes pour l’histoire de notre langue, mais encore cela engendre une nouvelle règle d’accentuation et probablement de nouveaux problèmes : comment faire comprendre qu’on écrit « sûr » au masculin mais « sure » au féminin ? Cela effrite le paradigme morphologique.

Par ailleurs, permettre de « franciser » les expressions figées telles qu’ « a posteriori » en « à postériori » est un non-sens absolu, puisque l’on transforme alors la préposition latine « ab » en préposition française « à », dont les sens sont pourtant contraires.

Ce ne sont que quelques remarques à chaud qui mettraient sans doute les réformateurs dans l’embarras. D’ailleurs, dans la brochure décrivant la réforme, il est dit que l’accent circonflexe sur les « i » et les « u » « ne joue aucun rôle phonétique » (certes) et que « son emploi, aléatoire, ne peut être justifié par l’étymologie » (sic), en prenant pour exemple « coût » et « paraître ». Pourtant, « coût » vient de « con*s*tare » et « paraître » de « pare*s*cere ». Et quelques autres mots en vrac dont l’étymologie permet d’éclairer le sens de l’accent circonflexe : « âne » < « a*s*inum », « maître » < « magi*s*trum », « goût » < « gu*s*tum »…

    Intéressant de noter que face à cette réponse pleine de bon sens, aucune réponse n’ait été apportée.. À se demander comment sont procédés ces choix et changements, Au vue de toutes les critiques qu’elles recoivent… Il manquerait peut-être quelqies niveaux de relectures critiques complentaires à vos process de modifications/ créations… À bon entendeur salut 😉

      Bonsoir David, il s’agit d’un avis, nous n’avons pas à le commenter ou à le discuter :-). Il faudrait adresser ces remarques au feu Conseil supérieur de la langue française, en tout cas aux linguistes qui l’ont composé, voire à l’Académie française, au Larousse et au Robert qui les ont intégrées. Bonne soirée.

Ce n’est pas vraiment une « réforme » de l’orthographe mais plutôt une adaptation légère. Il y a eu dans l’histoire de la langue française des réformes bien plus importantes (notamment en 1740). J’en parle dans un des derniers articles de mon blog 😉

Nicolas.

    Bonsoir Nicolas, d’où le nom « réforme » entre guillemets. Merci de parler régulièrement de votre blog, mais nous le connaissons déjà ;-). Bravo pour ce que vous faites et bonne continuation !

Notons que pour le cas de oignon / ognon ce n’est pas exactement que le « i » ne se prononce pas mais qu’il existe en français le trigraphe « ign » quasiment disparu qui se prononce /?/ (donc comme le bigraphe « gn » bien plus courant). Ce trigraphe « ign » a déjà été en grande partie supprimé du français dans de précédentes réformes pour être remplacé par « gn », mais « oignon » avait été oublié.

    « On pourra donc s’en passer dans boite, buche, cout, maitresse, nous entrainons, il parait…  »

    Supprimer des lettres sous prétexte qu’elles sont muettes …

    Quelle est la prochaine étape ? « École » s’écrira « ekol », parce que c’est plus simple ?
    Ou pluto, parsseukeu cé plu simpl ?

    Sarcasme à part (veuillez me le pardonner),
    en quoi les choses sont-elles rendues plus difficiles par cet accent circonflexe, par ces lettres muettes ?

    Il y a 40 ans (ou même seulement 20 ans), les élèves de primaires avaient de bien meilleurs résultats en orthographe et grammaire que ceux de maintenant.
    Pourtant, les règles en usage et les difficultés étaient celles qui sont allégrement foulées par cette réforme.

    La véritable solution au problème du manque de maîtrise du français,
    ne serait-ce pas plutôt à chercher par la modification, l’adaptation des méthodes d’enseignement ?