Depuis que nous avons inauguré notre série d’articles sur les mots de la Francophonie, nous savons à quel point le français est riche de ses variations et de ses influences dans les quatre coins du monde. Sans plus tarder, quittons la métropole pour nous réchauffer au soleil des Antilles : Guadeloupe, Martinique, Haïti… Si l’origine de certains mots, comme zouk, paraît évidente, celle d’autres mots, comme talkie-walkie, est plus inattendue !
1 – Biguine
La biguine désigne une danse à quatre temps originaire des Antilles, plus précisément de Guadeloupe, caractérisée par un balancement des hanches, les épaules demeurant immobiles. Si la danse est probablement apparue dès le XIXe siècle, le mot, lui, n’a été attesté qu’en 1935, avant d’être mis à l’honneur en 1984 par Marc Lavoine dans sa chanson Pour une biguine avec toi. Le verbe biguiner (danser la biguine), qui figure dans le Wiktionnaire, est cependant absent des dictionnaires de référence : Le Petit Robert et Le Petit Larousse illustré. Voir plus bas : *zouk.
2 – Doudou
Le nom doudou, construit sur le redoublement de l’adjectif doux est un mot créole antillais qui a d’abord désigné, au féminin, une jeune femme aimée (sa doudou), puis, au masculin, un terme d’affection envers un homme (mon doudou). Et le fameux objet transitionnel, alors ? S’il a été formé de la même façon, son nom n’est pas d’origine créole. Il fait d’ailleurs l’objet d’une entrée à part dans les dictionnaires.
→ Le saviez-vous ? Un mot qui exprime une intention affectueuse est (un) hypocoristique, le plus souvent formé sur le redoublement d’un mot ou d’une syllabe : doudou, chouchou… On retrouve le procédé dans bon nombre de diminutifs : Lolo, Juju…
3 – Liane
Le nom liane vient du français des Antilles, certes, mais il a été emprunté aux dialectes de l’ouest de la France (où lien se dit aussi « lian »). C’est son détour par les îles qui le rend exotique ! D’abord apparu sous la forme lienne ou liene (du verbe liener, « lier des gerbes »), il désigne une plante grimpante qui s’élève vers la lumière, dans les forêts tropicales, la jungle. Dans l’imaginaire collectif, la liane est intimement liée au personnage de Tarzan, créé par le romancier américain Edgar Rice Burroughs en 1912. Élevé par les grands singes dans la jungle africaine, Tarzan a en effet coutume de se déplacer de liane en liane.
? Le saviez-vous ? La liane et le lierre sont des plantes épiphytes, mot issu du grec epi, « sur », et phuton, « plante ». En effet, elles ont la particularité de croître sur d’autres plantes !
4 – Ouragan
Si le nom ouragan nous vient des Antilles, c’est pour une raison simple : la mer des Antilles est souvent agitée par des ouragans ! Certes, le mot est d’abord apparu dans la langue espagnole sous la forme huracan, transformé en houragan puis ouragan dans les Petites Antilles, où le [k] espagnol était prononcé [g]. Ces fortes tempêtes se caractérisent par des vents très violents dont la vitesse dépasse 120 km à l’heure. On comprend pourquoi l’ouragan que chante Stéphanie de Monaco emporte tout sur son passage !
? Si ouragan fait penser à orang-outan (ou orang-outang), les deux mots n’ont pas la même origine. Le second vient du malais (groupe de langue d’Asie du Sud-Est) et signifie littéralement « homme des bois ».
5 – Papaye
Ici aussi, le nom papaye est emprunté, par l’intermédiaire de l’espagnol papaya, à une langue caraïbe, et ce dès la fin du XVIe siècle. La papaye est un fruit de forme allongée (on dit aussi : oblongue), à peau côtelée et à chair orangée. En français des régions tropicales, on parle aussi de « papaye solo » pour désigner une petite papaye à chair orangée.
? Et la goyave, alors ? Son nom est aussi un emprunt au caraïbe guava, par l’intermédiaire de l’espagnol guayaba.
6 – Régime
Pas celui que l’on fait pour perdre du poids ou être en meilleure forme, non ! Le régime « antillais », c’est l’ensemble des fruits de certaines plantes réunis en grappe volumineuse. Le fameux régime de bananes, mais aussi de dattes ! Comment le mot s’est-il formé ? Vraisemblablement sur l’espagnol racimo « grappe de raisin », sous l’influence du « régime » alimentaire. Sans cette « attraction », le mot aurait dû s’écrire… racime !
7 – Talkie-Walkie
Aussi étonnant que cela puisse paraître, ce nom composé américain est bien issu d’un mot de « pidgin » (langue mixte, mêlant souvent créole et anglais, voire créole et français) des Antilles. Formé sur l’anglais talkee, « bavardage », et walk,« promenade », le talkie-walkie, appareil de transmission portatif, a été utilisé pour la première fois pendant la Seconde Guerre mondiale. Attention, en anglais, la seule forme usuelle est walkie-talkie !
8 – Tam-Tam
Ce nom, qui vient de l’onomatopée retranscrivant le bruit de la main frappant sur un tambour (tam, tam), est emprunté au créole français de l’océan Indien. Bernardin de Saint-Pierre, l’auteur du célèbre Paul et Virginie, l’emploie en 1775. Le tam-tam (que l’on peut aussi écrire tamtam) a pour équivalent anglais tom-tom (mais sans « nana » !). Il a désigné un tambour indien puis un tambour africain, utilisé comme instrument de musique et pour la transmission des messages.
? Au sens figuré, le tam-tam désigne en France un bruit assourdissant ou encore une publicité tapageuse. Il est proche de ramdam, altération de ramadan, d’origine arabe.
9 – Zombie
On le sait moins, mais le zombie (ou zombi) nous vient des Antilles ! Plus précisément du créole haïtien, lui-même inspiré d’une langue africaine du Bénin, source du vaudou haïtien. En effet, dans les cultes vaudous, le nom zombie signifie « dieu-serpent » et désigne le pouvoir surnaturel qui peut réanimer un mort. C’est dans les années 1950, sous l’influence anglo-américaine (et encore de nos jours avec des séries comme The Walking Dead), que le zombie a conquis l’Hexagone !
10 – Zouk
Sans surprise, cette fois-ci, le zouk (ou zouc) est un emprunt au créole antillais. C’est le raccourci de « musique de zouk », où zouk désignait une fête où l’on danse, puis la danse elle-même : très rythmée, originaire de Guadeloupe et de Martinique. Le nom zouk a donné le verbe zouker (danser le zouk) et le nom zoukeur, zoukeuse (danseur, danseuse de zouk).
Sandrine Campese