Ces trois mots, qui dérivent du même verbe latin audire, « entendre », sont souvent employés indifféremment. Y a-t-il de véritables nuances entre ces termes, et si oui, lesquelles ?
Ce que disent les dictionnaires
Commençons par audience, qui est le plus ancien des trois. Attestée dès le XIIe siècle, l’audience désigne « le fait d’être écouté » ; elle est donc proche de l’entretien, sens qui se diffuse dans le langage juridique. Au XVIe siècle, l’audience se dit de « la séance d’un tribunal, » ce qui est toujours le cas aujourd’hui.
L’auditoire, qui apparaît un siècle plus tard, a également une origine juridique. Mais il se spécialise rapidement en un « lieu où l’on s’assemble pour écouter ».
Beaucoup plus récent, l’audimat date des années 1980. Formé avec le « mat » de « automatique », le mot est, à l’origine, une marque de l’institut Médiamétrie. Il a fini par désigner couramment « le système d’évaluation de l’audience ».
Ce que dit l’usage
Voilà pour la théorie. Dans les faits, les choses sont un peu plus complexes.
D’abord, audience a eu brièvement le sens d’« assistance », avant qu’auditoire ne se généralise. Puis, l’audience a qualifié le « public touché par une émission », et donc le « taux d’écoute », et ce, malgré l’apparition du terme audimat. Par exemple, le site internet du magazine Première parle de l’audience des séries télévisées et non de l’audimat.
Il semble qu’audimat, pourtant dernier-né de la famille, ait vieilli prématurément ! Avant, lorsqu’une présentatrice sexy présentait la météo, on disait qu’elle faisait « monter l’audimat ». Désormais, avec la puissance de relais d’Internet, elle a plus de chances de « faire le buzz ».
Ce que disent les Francophones
Il faut également prendre en compte les nuances de sens entre les différents français.
Par exemple, auditoire au sens d’ « enceinte où l’on écoute les orateurs » n’a survécu qu’en Belgique et en Suisse. Ailleurs, on préfère utiliser audience à la place d’auditoire pour « public, assemblée de spectateurs ». Les Québécois disent ainsi que Céline Dion enchante l’audience à chaque fois qu’elle se produit en concert.
Enfin, en français d’Haïti, les audiences sont des histoires comiques, divertissantes, que l’on raconte en groupe. Le conteur est appelé l’audienceur.
Verdict
En France, nous utilisons plus volontiers audience pour parler des personnes écoutant ou regardant un média et auditoire à propos des personnes assistant à un évènement tel qu’une conférence. Dans le second cas, le lieu a donné son nom à l’assemblée qui l’occupe.
Comme souvent, c’est le contexte qui nous aide à choisir ou à comprendre le mot juste. Quand tout récemment, le terme audience a été employé au sujet de la star de téléréalité Nabilla Benattia, ce n’est pas de divertissement, mais bien de justice qu’il s’agit !
Sandrine Campese
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Quid de l’audimètre, qui figure dans notre vocabulaire depuis…1836 ?
Destiné à mesurer à l’origine le seuil de l’audition (plutôt « audiomètre » de nos jours), il s’est spécialisé au XXe siècle pour la mesure de l’audience radio.
Intemporel en revanche est l’applaudimètre, qui de l’opéra aux réunions électorales, mesure l’intérêt de l’auditoire…
J’espère que c’est bien entendu.