Voici la quatrième salonnière mise à l’honneur sur notre blog depuis le début de l’année : Madame Geoffrin. Son parcours, son caractère, ses relations, et bien sûr les « dîners » littéraires et artistiques qu’elle organisait avec goût et élégance, font d’elle une personnalité incontournable de la vie intellectuelle du XVIIIe siècle.
Où était situé le salon de Madame Geoffrin ?
Au numéro 372 de la rue Saint-Honoré. Elle y vécut pendant soixante ans. Elle y organisa d’abord les « dîners du mercredi » (à cette époque, le dîner correspondait au déjeuner), puis les « dîners du lundi » par l’intermédiaire de M. de Caylus, artiste et archéologue.
Qui était Madame Geoffrin ?
Née en 1699, Marie-Thérèse Rodet Geoffrin a été éduquée par sa grand-mère maternelle, Mme Chemineau. Celle-ci ne lui donna pas d’éducation formelle, mais lui apprit l’art de la conversation. Physiquement, elle a, si l’on en croit la représentation que le peintre Nattier a faite d’elle à 30 ans, un visage agréable et noble, un regard éclatant, une bouche charmante, des mains élégantes et des épaules rondes… Elle forma son esprit en côtoyant les habitués du salon de la « sulfureuse » Mme de Tencin. À la mort de cette dernière, en 1749, elle recueillit ses hôtes, dont Fontenelle.
Était-elle une « femme de lettres » ?
Pas vraiment. Comme l’indique Fernand Nozière, « pour tenir un salon littéraire, il est nécessaire qu’une femme soit profondément ignorante. Ainsi, elle ne fait pas concurrence à ses invités. Elle les écoute avec une attention qui n’est pas feinte puisqu’elle a tout à apprendre […] ». Et d’ajouter : « Mme Geoffrin lisait peu et n’aimait pas les livres. Elle semble en avoir eu chez elles quelques-uns seulement, et bien médiocres ! »
Qui fréquentait son salon ?
Protectrice de l’Encyclopédie (dont elle subventionna la publication), Mme Geoffrin recevait des gens de lettres et des philosophes comme Fontenelle, Marivaux, Diderot, Montesquieu, d’Alembert, Marmontel… La renommée de Mme Geoffrin dépassait les frontières : elle écrivait à l’impératrice de Russie, elle était accueillie par les souverains d’Autriche et le roi de Pologne l’appelait « sa maman » ! En plus des dîners des lundis et des mercredis, elle organisait des « petits soupers » ouverts aux femmes où les conversations étaient plus légères. Ella aida Julie de Lespinasse à créer son propre salon, la dégageant ainsi de l’influence de Mme du Deffand, laquelle méprisait le salon de Mme Geoffrin et la traitait de « caillette » !
Qu’y faisait-on ?
Les activités habituelles des salons littéraires : des lectures, des causeries, de la musique, des jeux… On y faisait également bonne chère, au grand dam de son époux, qui voyait d’un œil inquiet toutes ces dépenses de bouche ! Le salon de Mme Geoffrin se démarquait des autres en ce qu’il réunissait des peintres, des sculpteurs, des graveurs comme Boucher, Greuze, Van Loo… Elle s’attacha ces artistes en payant bien leurs tableaux, leurs statues, leurs œuvres. De 1750 à 1770, elle fit exécuter plus de soixante tableaux !
Quel souvenir a-t-elle laissé ?
Mme Geoffrin mourut en 1777, à l’âge de 78 ans. Les souverains avec qui elle avait été en correspondance témoignèrent de l’intérêt et les philosophes écrivirent des éloges. Plus tôt, Fontenelle lui avait offert toute sa confiance et son amitié en l’instituant exécutrice de son testament.
Sandrine Campese
Crédit photo
Source : Les grands salons littéraires, XVIIe et XVIIIe siècles, Conférences du musée Carnavalet de 1927, édition de 1928.
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