Avant même de nous intéresser à l’origine de l’expression « Avoir voix au chapitre », attachons-nous à l’utiliser correctement. En effet, on rencontre souvent la forme « Avoir droit au chapitre ». Il s’avère que, si les usages ont fait une place au « droit », l’expression originelle évoque bien la « voix au chapitre ». Mais de quel chapitre parle-t-on ?
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il est moins question de littérature que de religion avec cette expression. Pour en comprendre l’origine, il nous faut expliquer brièvement le fonctionnement du clergé au Moyen Âge. Les évêques étaient alors assistés d’un collège de prêtres et de chanoines, vivant en communauté et formant le conseil. C’est cette assemblée que l’on appelait chapitre.
Cette institution remonte au début du IXe siècle, elle avait pour rôle de traiter les affaires de la communauté. Le chapitre désignait également le lieu dans lequel les membres de l’assemblée se réunissaient pour échanger. Avant de prendre une décision, chacun d’entre eux était consulté et pouvait exprimer son point de vue. Ainsi, ils avaient tous voix au chapitre.
Aujourd’hui l’expression signifie « être consulté », « avoir de l’influence ». Pourquoi son usage actuel a t-il évolué de « voix » vers « droit au chapitre » ? Serait-ce parce que son origine est trop méconnue et que, n’en connaissant pas le sens, on préfère utiliser un mot phonétiquement proche et connu ? Dans ce cas, nous vous encourageons à lire régulièrement le blog du Projet Voltaire.
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Il est dommage que les utilisateurs des « réseaux sociaux » ne connaissent pas l’expression.
Bonjour Patsy, parce que, selon vous, certain(e)s feraient mieux de se taire ? ;-p
Et comme il est toujours gratifiant de reboucler une analyse étymologique, précisons que si le chapitre (le collège) portait ce nom, c’est bien parce qu’avant tout débat, on y lisait un chapitre (l’extrait) de la règle de la communauté concernée. Il semble que la plus diffusée ait été celle de saint Benoît, imposée en masse au XIIe par Bernard de Clairvaux. Le silence faisant partie intégrante de la « règle », avoir voix au chapitre était d’autant plus honorifique…
Et pour finir, rappelons que « se faire chapitrer » vient des remontrances faites à un participant pendant ces réunions…
Quant à la version « droit au chapitre », elle appartient à la kyrielle des déformations aussi aléatoires que pittoresques que la langue populaire réserve aux expressions mal digérées ! Le Blog pourrait consacrer un article à ces calembours involontaires ou parfois alimentés par les humoristes: « chique molle » ( dérivé de chiffe molle, sauf que la chique, c’est dur !), ou « l’ingénieur à Grenoble » popularisé par Coluche…
Bien littérairement
Chambaron
Merci pour cette précision. Cela va sans dire qu’à partir du moment que nous COMPRENONS : L’usage en est que logique.
Il y a aussi :
– « Au temps pour moi » qui s’est modifié en « autant pour moi »…
À dire vrai, j’ai personnellement compris l’origine de cette expression en lisant la traduction du roman Les Piliers de la Terre, au sein duquel les luttes de pouvoir s’organisent autour des réunions des moines, les fameux chapitres, donc. Ou comment la littérature dite populaire peut s’avérer instructive
Disons plutôt que la littérature dite populaire peut SE RÉVÉLER instructive.
Bonjour Philippe, « s’avérer instructive », c’est correct. Voici ce qu’indique Le Petit Robert sur cet emploi : « COUR. S’avérer, suivi d’un adj. attribut. ? apparaître, se montrer, paraître, se révéler. Méthode qui s’avère efficace. Ce raisonnement s’est avéré juste. (Abusif et critiqué) S’avérer faux, inexact. » Bonne journée.
Avant les piliers de la terre, il y a le crépuscule et l’aube de mes moteurs qui évoque les réunions du chapitre.
Merci, j’aime vos interventions. Passionné par la langue française, j’adore lire et me documenter.
Que dites-vous de l’expression « bonne merde »?
Belle aussi par son histoire.
Une bonne journée
Pierre
C’est gentil, Pierre. À notre tour de vous souhaiter bonne chance au travers d’une expression sortant de l’ordinaire : « Faites vous manger par les lions ».