Au fil du temps, le sens de certains mots de la langue française évolue. Certains passent même d’un sens négatif à un sens positif. C’est le cas de formidable, champion du grand écart sémantique ! Avant, était « formidable » ce que l’on craignait, aujourd’hui est « formidable » ce que l’on apprécie. Comment en est-on arrivé à un tel glissement de sens ? Réponse avec Tintin (partie 1) puis Charles Aznavour et Stromae (partie 2) !
Quiconque relit d’un œil attentif la bande dessinée de Hergé Les Sept Boules de cristal est frappé par l’emploi de l’adjectif formidable. À plusieurs reprises, le mot est prononcé par le capitaine Haddock dans un sens plutôt inhabituel pour nous, lecteurs du XXIe siècle.
Dans une des vignettes, Haddock apprend dans le journal qu’un nouveau membre de l’expédition Sanders-Hardmuth, tout juste rentrée d’Amazonie avec une momie inca, est frappé d’un mal mystérieux. « Formidable… c’est formidable », s’écrie-t-il.
Plutôt porté sur la bouteille que versé dans le sadisme, Haddock ne peut se réjouir de l’étrange léthargie dans laquelle se retrouve plongé M. Hornet, le conservateur du musée d’histoire naturelle. Ici, Hergé utilise formidable dans sa première acception (ou sens) tirée du latin formidabilis, c’est-à-dire « affreux », « redoutable ».
À l’origine donc, formidable qualifie une personne, un objet ou encore une situation qui inspire la crainte. C’est le seul sens du mot jusqu’au début du XIXe siècle.
Or, l’aventure de Tintin prise en exemple a été écrite et publiée pour la première fois entre 1943 et 1944 dans les pages du Soir, l’album en couleur datant de 1948. À cette époque, le sens de formidable a déjà évolué vers celui que l’on connaît aujourd’hui. Il n’en demeure pas moins que le premier sens, certes un peu désuet, continue d’être employé dans la littérature, notamment « à bulles » !
Plus loin, toujours dans Les Sept Boules de cristal, Haddock emmène Tintin au Palais du Music-Hall pour assister au numéro de Bruno qui sait changer l’eau en vin. Le capitaine, dont la tentative s’est révélée peu concluante, veut prouver à Tintin que cette prouesse est possible ! En attendant l’illusionniste, ils subissent la prestation très sonore de la célèbre Bianca Castafiore : « Aaaah, je ris de me voir si belle en ce miroir. » « Formidable, hein ? », lance Haddock à Tintin. Pour comprendre cette réplique, il faut savoir que, lors du précédent numéro, il a par deux fois qualifié le lanceur de couteaux de formidable, cette fois-ci au sens mélioratif (positif) du terme.
C’est donc ironiquement qu’il qualifie la performance du « Rossignol milanais » de formidable, ici synonyme de « terrible ». Une acception qui est totalement approuvée par Tintin. « Oui, c’est le mot… », répond-il, visiblement déconfit (et Milou aussi).
Ajoutons enfin qu’au sens figuré, un « formidable » est une chope de bière d’un litre. C’est sans doute pour cela que le capitaine Haddock prononce si souvent ce mot !
Sandrine Campese
« Formidable… c’est formidable », s’écrit-il –> s’écrie-t-il, bien sûr…
Dommage pour la coquille 🙂
L’essentiel, quand on commet une erreur, c’est de pouvoir la corriger ! Merci de nous l’avoir signalée. Bonne journée.
merci beaucoup …. et bonne continuation
Merci, à vous aussi !