D’une richesse infinie, la langue française offre de nombreux termes pour exprimer la même idée ou une idée proche. Aujourd’hui, nous vous présentons au moins cinq manières, tantôt littéraires, tantôt familières, toujours originales, voire amusantes, de désigner une personne importante, un personnage haut placé.
1- Cacique
Ce nom masculin, employé en français depuis le XVIe siècle, nous vient de l’espagnol cacique, qui désignait un chef amérindien de certaines tribus d’Amérique centrale. C’est ce sens – désormais vieilli – que le mot a d’abord pris dans notre langue.
Par la suite, « cacique » est passé dans un tout autre domaine, celui des hautes études. Le cacique est devenu le premier au concours d’entrée à l’École normale supérieure (ENS), puis le premier au concours d’entrée à une grande école, à l’agrégation, etc. Il a pour synonyme « major ».
C’est donc logiquement que l’on est passé des hautes études à la réussite sociale. Le cacique désigne plus largement toute personne nantie d’une fonction importante, occupant socialement une des premières places.
Autre sens ! Le cacique (également orthographié « cassique ») est aussi un oiseau d’Amérique tropicale, au chant mélodieux et au bec fort et pointu.
2- Hiérarque
Nom masculin, « hiérarque » nous vient du grec hierarkhês signifiant « grand prêtre ». Le mot est ensuite passé par le latin ecclésiastique hierarcha, pour désigner le titre honorifique donné à un évêque.
Une fois intégré dans le vocabulaire français au XVIe siècle, d’abord sous la forme hierarche, il a tout naturellement désigné le « titre porté par un haut dignitaire de l’Église orthodoxe ».
Plus largement, un hiérarque est une personne occupant une place importante dans une hiérarchie, en particulier dans celle d’un parti politique.
Le « h » initial de « hiérarque » est aspiré, ce qui interdit l’élision et la liaison. On dit et on écrit : le hiérarque (et non l’hiérarque), les hiérarques (et non les-z-hiérarques).
3- Huile
Ce nom féminin, dans l’acception qui nous intéresse ici, aurait une origine militaire. Plus un militaire se trouve haut dans la hiérarchie, plus il a de galons, nommés aussi « sardines ». Or, plus il y a de sardines (dans une boîte), plus il y a d’huile. Vous suivez ?
Voilà comme on serait arrivé à l’expression « c’est une huile » pour désigner un haut gradé (qui a donc beaucoup de « sardines » baignant dans l’huile) et, par la suite, un personnage important, haut placé, qui fait autorité dans un milieu.
Précisons que ce nom, qui s’emploie souvent au pluriel, relève de la langue familière ou populaire. Quelques exemples : de grosses huiles ; les huiles d’un parti ; toutes les huiles de la région s’étaient donné rendez-vous.
Dans le même sens, on rencontre parfois l’expression argotique « une grosse légume ». Étonnant, n’est-ce pas, que ce « légume » au féminin ? Le sens est exactement le même que celui de l’« huile ». On dit aussi « un gros bonnet » pour désigner un personnage éminent, influent.
4- Ponte
Il y a « la » ponte (l’action de pondre), mais il y a aussi « le » ponte ! Le simple fait de changer le genre du nom dévoile un tout autre sens. Car le ponte, en usage depuis le XVIIe siècle, ne vient pas du verbe « pondre », mais du verbe « ponter », et cela fait toute la différence !
Le verbe « ponter » s’emploie dans un domaine bien particulier – les jeux de hasard – où il signifie « miser contre le banquier ». Par conséquent, le ponte a d’abord désigné chacun des joueurs qui, au baccara, à la roulette…, joue contre le banquier.
C’est certainement sous l’influence d’un autre nom, « pontife », qu’il a pris, dans la langue familière, le sens plus large de « personnage important »,qui « fait autorité dans sa profession ». Exemples : un ponte de la finance, de la presse ; un grand ponte de la médecine.
Cette évolution sémantique s’est sans doute produite sous l’influence d’un autre nom, « pontife », lequel désigne aussi un « personnage qui fait autorité, gonflé de son importance ». Exemple : les grands pontifes de la Faculté.
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5- Sommité
Vieux nom apparu au XIIIe siècle, de genre féminin, « sommité » nous vient du latin summitas, « cime, sommet », lui-même dérivé de summus, « le plus haut ». Au sens didactique et désuet, il désigne d’abord la partie élevée de certaines choses, puis, dans le vocabulaire pharmaceutique, l’extrémité de la tige d’une plante en floraison utilisée dans des préparations médicinales. Exemples : des sommités de lavande, de millepertuis ; une décoction de sommités d’aubépine.
C’est depuis le XIXe siècle que ce mot signifie « personnage éminent dans un domaine donné », « qui se distingue dans la société ». Exemples : cet historien est une sommité ; c’est une sommité du monde de la mode. On le rencontre aussi au pluriel : un congrès qui réunit les sommités de la médecine.
Il se rapproche du nom « personnalité », même s’il le dépasse en intensité. Dernier mot proche, en conclusion de notre inventaire : le « manitou » ou « grand manitou » (d’origine amérindienne), qui désigne un personnage important et puissant. Exemple : les « grands manitous » du pétrole. On dirait aussi « un magnat ».
Sandrine Campese