L’Autrichienne, le petit Caporal, le Tigre… Dix surnoms restés dans l’Histoire (deuxième partie)

Voici le second volet de notre dossier sur les « petits noms » des grands personnages historiques. Ces dix nouveaux surnoms – souvent flatteurs, parfois dénigrants, rarement neutres – sont l’occasion de replonger dans la vie de celles et ceux qui ont fait l’Histoire de France !

1- Le Roi-Soleil

C’est certainement le surnom historique le plus célèbre ! Il désigne évidemment Louis XIV, le roi de France au règne le plus long (72 ans) et le plus faste.

Louis XIV s’est vu attribuer ce surnom lors de la fête du Grand Carrousel, les 5 et 6 juin 1662. Il avait entamé, depuis un an, son « règne personnel », sans principal ministre après la mort de Mazarin.

Lors de ce spectacle grandiose, auquel assistent près de 15 000 personnes, le Roi est mis en scène tel un soleil autour duquel gravitent des planètes censées représenter les grands du royaume. À cette occasion, le Soleil devient son emblème.

Orthotypo : notons qu’il est d’usage d’écrire ce nom avec un trait d’union et deux majuscules : « Roi-Soleil ».

2- Le Bien-Aimé

C’est le surnom donné à Louis XV à partir de 1743, à la mort du cardinal de Fleury. Le Roi, âgé de 33 ans, gouverne seul.

Plus précisément, il est appelé « Louis le Bien-Aimé » lors d’une messe en l’église Notre-Dame de Metz en présence de la famille royale. La formule fait aussitôt florès.

Bien aimé, Louis XV l’est une grande partie de son règne en parvenant à maintenir la paix sur le territoire et le demeure jusqu’à sa mort dans la plupart des régions françaises.

Mais ensuite, sa réputation pâtit des luttes intérieures et extérieures, comme la guerre de Sept Ans. Il devient alors très impopulaire à Paris et sa mort donne lieu à des fêtes dans la capitale.

Louis XV vs Louis XIV : ce n’est pas sous Louis XIV que la France est le plus prospère ; sous Louis XV (qui règne 59 ans) aussi, le royaume se développe au niveau économique et démographique.

3- L’Autrichienne

La jeune Marie-Antoinette d’Autriche avait pourtant été célébrée à son arrivée en France, en 1770, quand elle épouse le futur Louis XVI (lequel a aussi l’affection de son peuple). Devenue reine de France en 1774, Marie-Antoinette jouit encore quelques années d’une certaine popularité, avant que celle-ci ne dégringole irrémédiablement. Elle se voit ainsi renvoyée à ses origines : « l’Autrichienne », « l’Étrangère » …

Qu’en est-il réellement ? Est-elle si dépensière ? Pas plus que les maîtresses des anciens rois ! Est-elle impliquée dans « l’affaire du collier » ? Non, ce sont des courtisans qui furent victimes de l’escroquerie. Ce sont ses « sympathies avec l’ennemi » (en particulier avec son Autriche natale) que les révolutionnaires ne lui pardonneront pas et qui, le 16 octobre 1793  entraîneront la mort de « la veuve Capet », à l’issue d’un procès jugé sévère par l’Histoire.

Autres surnoms : « Madame Déficit » (elle est tenue responsable du gouffre financier du royaume) et « Madame Veto » (au goût des Sans-culottes, Louis XVI abuse du droit de veto sur l’adoption des lois).

 4- L’Incorruptible

Personnage emblématique et controversé de la Révolution française, Maximilien de Robespierre s’illustre pendant la période de la Terreur, en 1793 et 1794. Avec ses alliés, il poursuit et combat tous les ennemis de la Révolution.

Dès 1791, Robespierre est surnommé « l’Incorruptible » chez les Sans-culottes et les Jacobins. La corruption fait partie des accusations les plus graves pendant la Révolution : accaparement de la farine (pour faire augmenter les prix), opérations financières frauduleuses, espionnage au profit de l’étranger…

Dans ce contexte, l’étiquette d’ « incorruptible » est très recherchée ; voilà pourquoi Robespierre la revendique, même si l’issue lui est fatale. Après tant d’arrestations et d’exécutions arbitraires, c’est sa propre tête qui tombe, le 27 juillet 1794.

5- Le petit Caporal

C’est le principal surnom de Napoléon Bonaparte. Et ce n’est pas en raison de sa petite taille ! Napoléon mesurait 1 m 68, au-dessus de la taille moyenne de l’époque (1 m 65).

« Petit » a ici une valeur affective, faisant du « Petit Caporal » un surnom amical et fraternel. Il lui est donné pendant la campagne d’Italie, lors de la bataille victorieuse du 10 mai 1796 contre les Autrichiens, à Lodi.

Les soldats attribuent alors ce nouveau « grade » à leur général quand celui-ci rentre au camp. Ce surnom l’accompagnera jusqu’en 1815. Il est alors bien loin du sens péjoratif de « petit chef » qu’il prendra par la suite dans l’armée ou l’administration.

Orthotypo : « le petit Caporal », surnom de Napoléon, s’écrit avec un « C » majuscule, et même un « P » majuscule quand il désigne le nom du journal à tendance bonapartiste publié sous la Deuxième République, puis entre 1876 et 1923 : Le Petit Caporal.

6- Napoléon le petit

C’est ainsi que Victor Hugo surnomme Louis-Napoléon Bonaparte après le coup d’État du 2 décembre 1851. Président de la Deuxième République depuis 1848, ce dernier parvient ainsi à conserver le pouvoir en violation de la Constitution. L’année suivante, le 2 décembre 1852, il devient Empereur des Français sous le nom de Napoléon III.

Son surnom vient du titre du pamphlet Napoléon le petit que Hugo écrit en 1952 à Bruxelles, et dans lequel il réduit Louis-Napoléon à une pâle copie de Napoléon Ier. L’écrivain n’y mâche pas ses mots, le qualifiant de « dernier des hommes », « voleur », « criminel » et « filou ». Il est d’autant plus remonté qu’il avait d’abord accordé sa confiance au neveu du « grand » Napoléon, lors de son élection en 1848.

7Les Poilus

C’est le surnom donné aux soldats français de la Première Guerre mondiale qui combattaient dans les tranchées.

En dépit d’une légende populaire tenace, qui prend le mot dans son acception courante, ce n’est pas parce que les soldats revenaient de la guerre « poilus » – n’ayant pu se raser barbes et moustaches dans les tranchées – qu’ils ont été surnommés ainsi.

Pour comprendre, il faut se tourner vers la langue vieillie et argotique, où le nom « poilu » désigne quelqu’un de courageux, le poil étant alors perçu comme un symbole de virilité. Par la suite, des linguistes ont considéré que le poilu était tout simplement l’homme ou le soldat combattant.

Gaspard : c’est ainsi que l’on désignait les rats, en argot des poilus. Et ceux-ci étaient légion dans les tranchées !

8- Le vainqueur de Verdun

Ou le « héros de Verdun ». Surnom attribué à Philippe Pétain pour s’être illustré lors de la bataille de Verdun qui opposa en 1916 l’armée française et l’armée allemande.

Lorsque les Allemands attaquent les Français le 21 février 1916, tirant un million d’obus en une seule journée, Philippe Pétain n’est pas encore maréchal, mais général.

Âgé de 58 ans, il met en œuvre la stratégie défensive qui conduit à la victoire française tout en limitant les pertes inutiles. Quand la bataille s’achève, le 18 décembre, on dénombre tout de même 700 000 victimes (300 000 tués ou disparus et 400 000 blessés).

Voie sacrée : c’est le nom donné à la route reliant Bar-le-Duc à Verdun (57,2 km). Jour et nuit, des camions apportent des vivres et du matériel et assurent les rotations des combattants.

9- L’Homme du 18 juin

Le 18 juin 1940, alors que la France a perdu face à l’Allemagne et que l’armistice est sur le point d’être signée par le maréchal Pétain, le général de Gaulle, exilé à Londres, lance son fameux « appel » à la radio britannique, la BBC.

L’Homme du 18 juin demande à tous les militaires, ingénieurs et ouvriers français spécialistes de l’armement qui se trouvent en territoire britannique de « se mettre en rapport avec lui ». De Gaulle pressent que la guerre est mondiale. Pour lui, la France doit continuer le combat contre l’Allemagne, avec l’aide de son empire colonial et ses alliés britanniques !


D’autres appels similaires suivront. D’ailleurs, l’enregistrement passé à la postérité est celui du 22 juin.

10- Le Tigre

Surnom donné à Georges Clemenceau (sans accent sur le « e ») à sa nomination comme ministre de l’Intérieur en mars 1906. Pourquoi ? Parce qu’il ne lâche rien face au crime, tel le tigre avec sa proie !

Il conduit notamment d’importantes réformes de la police et crée les brigades régionales mobiles, les fameuses « Brigades du Tigre », qui ont donné lieu à une série télévisée populaire dans les années 70.

Autres surnoms : « le Père la Victoire » (il est le partisan farouche d’une victoire totale sur l’Empire allemand) et « le premier flic de France » qui désigne depuis lors les ministres de l’Intérieur les plus « actifs ».

Lire la première partie : Le Fléau de Dieu, la Pucelle d’Orléans, l’Éminence rouge… dix surnoms restés dans l’Histoire.  

Sandrine Campese

Articles liés