Connu pour ses subtilités, le français comporte de nombreux termes qui caractérisent le temps. Certains d’entre eux sont confondus ou employés sans qu’on en connaisse le véritable sens. Savez-vous vraiment ce que signifie « jadis » ? En quoi se distingue-t-il de « naguère » ? Jusqu’où faut-il remonter le temps pour espérer voir les neiges d’antan ? « Il y a des lustres », oui mais combien ? À quel calcul renvoie « bissextil » ? Ne cherchez pas midi à quatorze heures : lisez vite ce qui suit !
JADIS et NAGUÈRE
Ces deux adverbes de temps, qui appartiennent au langage soutenu, sont souvent confondus. Et pourtant ! Jadis (ja a dis en vieux français) signifie « il y a déjà des jours » tandis que naguère, contraction de « il n’y a guère », concerne une époque récente.
Par le passé, la distinction entre les deux adverbes était très nette. En témoigne le recueil de Verlaine intitulé Jadis et naguère (1884). Aujourd’hui, la nuance tend malheureusement à s’estomper : naguère s’emploie de plus en plus au sens de jadis pour évoquer un passé fort lointain, faisant fi de son étymologie. La preuve, dans le numéro 1148 du magazine Science & Vie (mai 2013), on pouvait lire : « Naguère, le dromadaire vivait au pôle. » Et l’article de préciser juste après : « il y a 3,5 millions d’années »…
LUSTRE
L’expression « il y a des lustres » fait référence à une époque très lointaine. C’est en tout cas le sens que lui donne l’usage commun. Mais savez-vous à quoi correspond un lustre ? À l’origine, le terme latin lustrum s’applique à un « sacrifice expiatoire pratiqué à Rome tous les cinq ans lors du recensement ». Le français lustre a conservé ce sens de « sacrifice expiatoire » et s’est employé, par métonymie, à une période de cinq ans. Littéralement, « il y a des lustres » signifie « il y a plusieurs périodes de cinq ans », plusieurs quinquennats, donc. Depuis que le nombre de mandats présidentiels a été limité à deux, peut-on vraiment dire que nos dirigeants sont au pouvoir « depuis des lustres » ?
ANTAN
Mais où sont les neiges d’antan ? demande François Villon dans sa Ballade des dames du temps jadis, écrite au XVe siècle. On imagine que le poète fait référence à des temps reculés. Que nenni ! Il évoque les neiges… de l’année passée ! Reportons-nous à l’étymologie : antan est issu du latin anteannum, composé de ante (avant) et annum (an). Certes, le sens plus large de « autrefois » a depuis pris le dessus, mais il est toujours amusant de voir à quel point nos mots savent faire le grand écart.
BISSEXTIL
L’année 2016 est une année bissextile, c’est-à-dire que le mois de février comporte 29 jours. Mais que signifie vraiment cet adjectif, qui s’écrit avec deux « s » ? D’origine latine, bissextil est composé des mots bis et sextus, soit « deux fois sixième ». D’où vient ce calcul ? Dans le calendrier julien utilisé dans la Rome antique, le jour intercalé tous les quatre ans doublait le sixième jour avant les calendes de mars. Pour comprendre ce que ce charabia veut dire, il faut se reporter à notre calendrier grégorien : l’année bissextile est celle où l’on rencontre le bissexte, jour ajouté tous les quatre ans au mois de février, lequel est alors de 29 jours. Limpide, non ?
À présent que vous connaissez le véritable sens de ces quelques termes, vous pourrez alimenter les discussions sur le temps qui passe, qui, vous le verrez, sont tout aussi passionnantes que celles sur le temps qu’il fait !
Sandrine Campese
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Bonjour,
Je souhaiterais apporter une précision plus scientifique que littéraire sur le bissexte. Ce jour surnuméraire n’est pas ajouté tous les quatre ans. Les années multiples de 100, mais pas de 400, comme 1900 ou 2100, en sont exemptées. C’est une des différences entre l’actuel calendrier (grégorien) et celui qui l’a précédé (julien). Ainsi, le décalage entre les années solaires et civiles, devient négligeable.
BISSEXTIL
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ajouté tous les quatre ans au moins de février
ou
ajouté tous les quatre ans au mois de février
Merci de votre vigilance ! L’erreur a été corrigée. Bon week-end.
« Naguère, le dromadaire vivait au pôle ».
Pourquoi ne pas y voir un trait d’ironie : en temps géologique, 3,5 millions d’années, c’est si peu !
Vous avez raison Brigitte, il ne faut pas sous-estimer l’ironie d’un magazine scientifique ! 🙂