À trancher une bonne fois pour toutes : l’épineux emploi d’éponyme !

« Sarenza lance sa marque de chaussures éponyme », « Jolla lance son smartphone éponyme en Inde », « Kendji Girac : son album éponyme au top sur iTunes », « Minority Report : Fox commande un pilote qui sera une suite du film éponyme ».

Voilà les résultats qui apparaissent lorsqu’on entre « éponyme » dans la rubrique Actualités de Google. Vous pouvez vérifier vous-même (car la liste est longue) : aucune utilisation de l’adjectif n’est correcte.

Bien sûr, les médias en ligne ne sont pas les seuls fautifs. Nous sommes nombreux à employer maladroitement cet adjectif, tout simplement parce que nous le « traduisons » mal.

L’affaire nous ramène en Grèce antique. À cette époque, le magistrat en chef de nombreuses cités grecques s’appelait « l’archonte éponyme ». Mais pourquoi « éponyme » ? Parce que l’archonte, qui était en poste pour un an, donnait son nom à l’année.

« Qui donne son nom à quelque chose » est bien la (seule) définition de l’adjectif grec epônumos, de épi- (sur) et -onyme (nom).

Dans l’Antiquité toujours, il y avait des « dieux éponymes » qui, donnant leur nom à une ville, l’avaient sous leur protection. Ainsi Athéna est-elle la déesse éponyme d’Athènes, parce qu’elle a donné son nom à Athènes.

Reprenons à présent nos exemples introductifs : les chaussures, le smartphone, l’album ou la suite du film n’ont pas donné leur nom à quoi que ce soit ! Ce que les journalistes ont voulu dire, c’est que les chaussures, le smartphone, l’album et la suite du film ont le même nom que les marques (Sarenza, Jolla), le chanteur (Kendji Girac) et le premier film (Minority Report) dont ils sont en quelque sorte « issus ».

Or, il existe un adjectif signifiant « qui a le même nom » : homonyme ! Il faudrait donc remplacer éponyme par homonyme dans les exemples précédents pour leur donner un sens !

Pour ne plus faire l’erreur, il suffit de retenir qu’à chaque fois que vous voulez dire « qui a donné son nom à », vous employez l’adjectif éponyme et à chaque fois que vous voulez dire « de même nom », c’est homonyme qui convient.

Sandrine Campese

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Chère madame, ayant lu avec intérêt votre article, je me permets humblement une légère remarque. En effet, l’emploi du qualificatif « homonyme » dans les exemples que vous donnez, me semble inexact, cet adjectif s’appliquant à des mots homophones, mais de sens différent. Ainsi, pour Sarenza, le signifié est semblable : les chaussures. Il reste donc l’emploi de la formule « qui a donné son nom à… »
Cordialement

    Cher Madame ou cher Monsieur, en effet, c’est le nom homonyme qui désigne une « personne, ville, etc., qui porte le même nom qu’une autre. » Reste à trouver le qualificatif qui signifie, stricto sensu « qui a le même nom que » ;-). Sinon, comme vous l’indiquez, reste la tournure, assez lourde (et forcément exclue dans le jargon médiatique) « qui a donné son nom à ». Bon week-end.

Le plus vieil ancêtre connu dont je porte le nom est né en 1664. J’ai pu retrouver d’autres ancêtres plus âgés que lui. Mais ils ne font pas partie de mes ancêtres éponymes. Correct ??

    Bonjour Bleunbrug, cela me semble correct, dès lors que les ancêtres en question ne vous ont pas « donné leurs noms ». Plus prudemment, je crois que j’emploierais « homonymes ». Bonne journée et bonne année !

Bonjour, je ne suis pas linguiste, donc il ne s’agit que d’une réflexion personnelle pour continuer à réfléchir sur l’utilisation des mots. Il me semble que dans les cas porté en exemple, l’utilisation de l’adjectif « éponyme » est correct. En effet, Sarenza n’a pas tout simplement le même nom que la marque, mais elle a justement donné son nom à la marque, donc l’utilisation d’éponyme est correcte . Si, par hasard, une marque de chaussures avait le même nom que moi, alors je pourrait dire qu’il s’agit d’une marque homonyme… Les exemples cités me semblent donc corrects

    Bonjour Matteo, eh non, car ce n’est pas la marque de chaussures qui a donné son nom (signification de « éponyme ») à l’entreprise, c’est l’inverse ;-). Bon week-end.

Pour les trois dernières lignes : je ne vois pas d’opposition entre votre brillante et diablement utile mise au point et le « cas » québécois. Si c’est le titre d’une chanson qui donne son titre à l’album, c’est donc bien la chanson éponyme de l’album. ce qui serait fautif, ce serait de citer le nom de cette chanson en disant qu’elle fait partie de l’album éponyme. Ai-je bien suivi votre leçon ? Merci.

    Bonjour virgilevirgule, vous avez raison, cet emploi est correct. J’ai donc supprimé le dernier paragraphe de l’article. Merci de nous lire et à bientôt !

Merci beaucoup pour ces précisions.
Mais je trouve que votre exemple sur le film est mal choisi.
Il me semble normal d’utiliser éponyme dans ce cas : le film donne bien son nom à la série qui en découle…

    Bonjour Eric, merci à vous pour votre remarque très pertinente. Au sens strict, éponyme s’emploie quand une personne donne son nom à un objet (le préfet Poubelle, par exemple) ou qu’une oeuvre est adaptée sous une autre forme (un livre qui donne son nom à un film, par exemple). Mais dans le cas d’une suite, du prolongement d’une oeuvre sur un support similaire, on pourra se passer de l’adjectif « éponyme » ou bien le remplacer par homonyme si l’on veut insister sur le fait que la suite aura le même nom que le premier volet. Bon après-midi et à bientôt !

      Bonjour.
      Le TLFi qui une certaine autorité je pense, nous dit : « B. P. ext. (Celui, celle, ce) qui donne son nom à quelque chose ou à quelqu’un, à qui l’on se réfère, que l’on vénère. Une autre patronne [que moi, l’histoire] sera votre éponyme (PÉGUY, Clio, 1914, p. 201) »
      « Celui, celle ou ce »… dans le contexte l’emploi du pronom « ce » désigne bien une chose me semble-t-il ce qui rend votre astuce peu efficace.
      Amusant, me voilà en train d’interpréter un dictionnaire…
      A bientôt.

        Bonjour Michel, je ne vois pas en quoi cette définition (avec la présence du pronom « ce ») change le sens et donc l’emploi de l’adjectif éponyme. N’hésitez pas à m’éclairer ! Bonne journée.

..

Si notre ami accepte le lien avec ce village de résistants dans la plus grande simplicité, proposons alors une simplification augmentant grandement les chances de succès et pérennité : ‘chambonyme’…

Il était justifié de dénoncer encore cet abus qui nous vient en droite ligne de l’anglo-américain qui accepte la réciprocité d’utilisation du mot.
Une fois de plus, à l’instar de « décade », « opportunité », « réaliser » ou de « domestique », les anglo-saxons ont oblitéré l’étymologie à contre-sens, ce qui sème la confusion dans notre propre langue.
Peut-être serait-il bon un jour de consacrer quelque article à fustiger ces anglicismes sémantiques ou syntaxiques : ils sont beaucoup plus pervers que les « lexicaux » bien connus, qui avancent au moins à visage découvert. Il faut en organiser le « boycott » selon l’expression tirée du lord anglais éponyme : retour de bâton !

Bien littérairement,
Chambaron

P.S. : pourriez-vous préciser si le mot éponyme s’applique aussi lorsqu’un personnage à donné son nom à un objet, mais avec déformation (exemple : César et césarienne) ? Si nom, comment ce type de mot se nomme-t-il ? Je n’ai pas trouvé de réponse adéquate…

    Bonjour Chambaron, merci pour vos remarques toujours intéressantes et pertinentes. Pour répondre à votre question, si le nom propre est utilisé tel quel comme nom commun, c’est une antonomase; en revanche s’il y a déformation comme vous dites, le nom propre devient commun par le procédé de la « dérivation ». Je ne vois pas d’autres appellations. À moins de parler de noms communs issus de noms propres éponymes ! Bien sûr, les adjectifs (machiavélique…) et les verbes (limoger…) sont également concernés.

      Effectivement ! Le Projet Voltaire traite d’ailleurs de l’antonomase dans un article ; soulignons d’ailleurs que le nom propre perd à cette occasion sa majuscule et s’accorde.
      Il est dommage que les « dérivations » tirées d’un nom propre ne porte pas elles-mêmes leur propre nom. Voilà un néologisme qui serait bien utile. Par défaut, en bon démiurge des mots, je propose pour l’immédiat soit « olibrionyme » (de l’empereur romain Olybrius en 472) ou « chambaronyme » (parce qu’il est bon de laisser son nom à la postérité, et que je n’aurai plus beaucoup d’occasions…). Cela n’aurait rien d’ubuesque !

      Bien littérairement,
      Chambaron

          « Anthroponyme » existe déjà, et « olibrius » fait partie de ces mots dérivés d’un nom propre : donc « olibrionyme » est idéal pour qualifier ce type de forme lexicale : « qui porte le nom d’un olibrius ».
          CQFD (acronyme).

          Chambaron (grand-patronyme)